Il y a ceux qui se prélassent aux terrasses et ceux qui, aux champs, désespèrent. La sécheresse qui coupe la France en deux depuis quinze jours, sur une ligne Biarritz-Strasbourg, ne fait pas que des heureux. Elle inquiète même : les agriculteurs voient leurs perspectives de récolte sérieusement hypothéquées.
"C’est trop sec, on n’arrive pas à travailler correctement la terre pour y planter une culture", explique à Europe 1, Simon, agriculteur dans la Vienne. Une comparaison suffit à prendre conscience de la gravité de la situation selon lui : "à partir du 20 mai, [une telle sécheresse ] peut arriver, mais là on est le 15 avril, c’est la première fois", déplore-t-il.
Seul l’arc méditerranéen est épargné
Ce manque de précipitions précoce crée un cercle vicieux : les plantes ont absorbé l’eau des sols, qui en manquent d’autant plus. Or le mois d’avril est censé être une période de pluie excédentaire, permettant de faire des réserves pour l’été…Un mauvais signe supplémentaire pour les agriculteurs, qui jouent une bonne partie de leur récolte à cette période de l’année.
"Toutes les semaines, on reçoit des relevés qui nous disent : ‘vous êtes en alerte’, les niveaux qu’on a là sont ceux qu’on constate généralement au mois d’août", explique encore Simon. Il n’est pas le seul à déplorer la sécheresse. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), environ "58% des nappes phréatiques affichent un niveau inférieur à la normale" en ce mois d'avril.
La faute au temps estival des dernières semaines mais aussi à un hiver qui n'a pas été assez humide selon le BRGM : de l'Aquitaine aux côtes de la Manche, en Champagne-Ardenne, Lorraine, Alsace, Franche-Comté et sur les Alpes du Nord, il a plu moins qu’à l’habitude cette année. En Bretagne, Sologne et Touraine, le déficit de pluie avoisine les 75%... Seul l’arc méditerranéen a été plus arrosé qu’en moyenne.
Restrictions d’accès à l’eau
En Seine-et-Marne, les précipitations ont atteint seulement 90mm d'eau sur le premier trimestre de l'année, contre 160 en moyenne. Comme l’Essonne, elle est parmi les premiers départements à avoir interdit mardi les prélèvements aux agriculteurs. Dans les autres départements franciliens, ainsi que dans les Charentes et les Deux-Sèvres, des restrictions ont également été imposées.
Mais tous les agriculteurs n‘ont pas forcément l’intention de les respecter. "J’ai 140 têtes à nourrir, je vais arroser mon maïs pour nourrir mes animaux, et pour pouvoir me sortir un salaire à la fin du mois et nourrir ma famille", explique Guillaume au micro d’Europe 1.
Même un regain de pluie laisse peu d'espoir aux agriculteurs. "S’il pleuvait cela pourrait contribuer un petit peu à la recharge des nappes mais sûrement pas assez pour rattraper des niveaux qui restent inférieurs" à la moyenne, a estimé, mardi sur Europe 1, Ariane Blum, hydrogéologue au Bureau de recherche géologique minière.
Un temps sec cet été ?
La météo n’est pas pour remonter le moral des agriculteurs. Météo France prévoit un temps globalement ensoleillé et relativement chaud pour la moitié nord et ouest de l’Hexagone au moins jusqu’à la fin de la semaine prochaine. Et les prévisions à long terme, à prendre avec des pincettes, ne sont guère rassurantes : mai devrait être orageux, mais juin, jullet et août s’annonceraient de plus en plus chauds et peu pluvieux. De quoi causer de sérieux problèmes, par exemple dans le bassin parisien où "cela fait déjà cinq ans que les niveaux sont inférieurs" et où "on ne pourra pas retrouver le niveau normal", selon Ariane Blum.
Ces mauvaises récoltes auront probablement des conséquences sur les marchés, où les prix pourraient augmenter. Et cette fois, cela concernera tout le monde.