Le rapport remet les banlieues à la une. Cinq chercheurs, dont le politologue Gilles Kepel, ont réalisé une plongée dans les villes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, là d’où sont parties les émeutes urbaines de 2005. Là aussi où une vingtaine de personnes ont été contaminées par la tuberculose, maladie "marqueur de pauvreté". Principal enseignement des entretiens menés auprès de cent personnes : l’identité musulmane s’intensifie chez les habitants.
"Il y a une déception par rapport aux institutions, un sentiment de ne pas être compris", a résumé sur Europe 1 Leyla Arslan, coordinatrice de l’enquête rendue publique mardi et consultable sur Internet. "Se référer à un registre lié à l’islam, c’est une façon pour eux de retrouver une identité positive, qui donne du sens à un monde où tout part un peu de travers", a-t-elle ajouté, appelant à prendre ces conclusions avec précaution.
Gare aux discours "stigmatisants"
"On associe rapidement en France islam, islam radical, islamisme… Il faut faire extrêmement attention, ce sont des choses totalement différentes !", a-t-elle expliqué, notant que cela "peut produire du discours extrêmement stigmatisant.
Le rapport se penche sur le développement du halal, qui "marques les interdits dans la vie privée et sociale", a décrypté Gilles Kepel dans Le Monde. Une évolution constatée par Xavier Lemoine, maire de Montfermeil. L’élu a ainsi expliqué sur Europe 1 que dans sa ville, "un certain nombre d’enfants ne mangent plus à la cantine ou s’ils s’y rendent ne prennent l’entrée et le dessert".
Rénovation urbaine
Et l'élu UMP d'affirmer que "ce sont des quartiers dans lesquels la République française n’a pas vu quelles étaient les logiques à l’œuvre et n’a pas su apporter la réponse". "Le droit à la différence exacerbé dans lequel on vit depuis 30 ans a permis ce résultat-là", a-t-il conclu.
Pour lui, ces quartiers ne sont cependant pas "abandonnés". Comme l'explique Gilles Kepel, "il y a eu un effort très impressionnant de rénovation urbaine". Mais un effort insuffisant : "malgré cela, le sentiment dominant reste celui d’une relégation". Pour le politologue, la solution passe par l’éducation, "dès la petite enfance".
Au "cœur du problème", pour les chercheurs : le chômage, qui s’élève à 22,7% à Clichy-sous-Bois, contre 11% en Île-de-France. En cause également, l’enclavement de ces deux villes : il faut compter "pratiquement 1 heure 30" pour aller de Paris à Clichy-sous-Bois, en RER puis en bus, a souligné Leyla Arlsan. "C’est plus rapide d’aller à Lille !"