La SNCF pousserait-elle les contrôleurs à verbaliser plus pour gagner plus ? C’est en tout cas ce qui ressort d’une note confidentielle, dévoilée mardi par Le Parisien - Aujourd’hui en France. La direction d’un établissement commercial train, organisme auquel sont rattachés des contrôleurs localement, y écrit que ces derniers doivent enregistrer "quatre affaires par jour", en encaissant directement 41% du montant de ces PV, soit un minimum de 50 euros par jour. Jamais une telle consigne n’avait été écrite noir sur blanc, selon les syndicats contactés par Europe1.fr.
Les syndicats "n'ont pas connaissance" de la note
Une note dont les syndicats ignorent l'existence. Julien Troccaz, de Sud Rail, affirme ne pas avoir connaissance "de note interne précise là-dessus", même si l’existence d’une telle note lui paraîtrait tout à fait "plausible". Même réaction du côté d’Eric Ferrer, membre du bureau fédéral de la CGT-Cheminots, interviewé par Europe 1 : "il n’y a pas de note officielle interne à notre connaissance, sinon vous pensez bien que nous l’aurions dénoncée".
Pour inciter les contrôleurs à produire plus d’amendes, l’entreprise publique use de deux ressorts. Tout d’abord, une prime en fonction du nombre de PV dressés, qui selon Le Parisien peut aller jusqu’à 700 euros par mois. Les contrôleurs peuvent en effet toucher jusqu’à 10% du montant de chaque amende. Ce pourcentage est plus élevé quand le client paye directement dans le train.
A cela, un effet pervers : les clients les plus solvables seraient ciblés prioritairement, d’après des témoignages recueillis par Le Parisien. "Les contrôleurs ont peut-être tendance à zapper les bandes et traînent dans les wagons plus clean", affirme Océane, secrétaire d’une trentaine d’années, au quotidien. "Dès qu’un contrevenant peut régler sur place, on lui met la pression", abonde un contrôleurs, qui témoigne de manière anonyme.
Un ciblage des clients jugés solvables que les syndicats contactés par Europe1.fr ne confirment pas.
La "politique du chiffre" de la SNCF
Deuxième ressort utilisé par la SNCF pour pousser ses agents à dresser plus de PV, les contrôleurs "fous de l’amende" verraient leur carrière avancer plus vite que les autres. Contacté par Europe1.fr, Julien Troccaz, membre de Sud Rail, confirme : "la SNCF mène une vraie politique basée sur le chiffre, elle met la pression aux contrôleurs en jouant sur leur carrière".
La CGT-Cheminots fustige elle aussi le fait que "les agents soient incités à réaliser le plus d’opérations par jour", dans un communiqué diffusé mardi, en réaction à l’article du Parisien.
Quant aux primes de 700 euros par mois avancées par Le Parisien, Eric Ferrer dit "ne pas avoir connaissance de ces chiffres". Il parle d’une "prime de saisie, minime, de quelques centimes d’euros", touchée par les contrôleurs lorsqu’ils mettent une amende. "Moi qui suis contrôleur, je n’ai jamais eu de telles sommes sur mon bulletin de salaire, je pense que ce n’est pas la vérité", ajoute-t-il.
La SNCF nie
Du côté de la SNCF, on nie l’existence de la note révélée par Le Parisien. Guillaume Pepy, président de l'entreprise, a démenti l’existence d’objectifs chiffrés de PV pour les contrôleurs. A la place de la politique du chiffre, un porte-parole de l’entreprise, qui souhaite garder l’anonymat, insiste sur la "lutte contre la fraude", qui fait perdre "350 millions d’euros par an" à la SNCF. "Au niveau national, il n’existe pas d’objectif chiffré individuel pour les contrôleurs en matière de PV", affirme-t-il à Europe1.fr. Cette note, "si elle existe", reflète "une situation particulière".
Néanmoins le porte-parole assure que, pour lutter contre les fraudes, la direction de la SNCF incite à "contrôler le maximum de personnes". Et "demande aux contrôleurs d’être dans la moyenne" des amendes infligées par son équipe. Une politique du chiffre sans en avoir le nom.