ALERTE. La Délégation interministérielle à l'intelligence économique (D2IE) a publié jeudi une note prévenant les entreprises d'une recrudescence de ces escroqueries portant sur plusieurs millions d'euros. Ainsi jeudi, l'organisme a publié une note afin de pousser les entreprises à la vigilance. "Face à une recrudescence des escroqueries aux faux virements bancaires internationaux, la Délégation invite toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, à la plus grande prudence dans l’examen des demandes de transfert de fonds vers l’étranger", écrit la D2IE, organisme spécialisé dans la diffusion et la protection de l'information et des données économiques stratégique.
Comment se présente cette "ruse", qui peut s'avérer très couteuse pour les sociétés visées ? Europe 1 décrypte pour vous cette arnaque d'un nouveau genre.
Quel est l'ampleur du phénomène ? Le chiffre est impressionnant : 250 millions d'euros. C'est ce qu'avaient perdu en février dernier, au cours des trois dernières années, plusieurs entreprises françaises victime de cette arnaque. Le phénomène à beau être récent, on comptait déjà près de 150 affaires au total. Ainsi, quand une filiale de Géant Vert, implantée dans le Sud-Ouest, tombe dans le panneau, ce sont 17 millions d'euros qui quittent les caisses. Début janvier, racontait alors L'Est républicain, le directeur d'une importante société du Doubs est passé à deux doigts d'un virement de quatre millions d'euros. Une entreprise installée dans le Territoire de Belfort a, quant à elle, perdu 876.000 euros, "sous prétexte d'une migration complète du système comptable".
Quel est le principe de cette arnaque ? Le principe même de cette arnaque consiste pour les escrocs à identifier un employé de l'entreprise, un comptable d'une filiale par exemple, et à prendre contact avec lui par téléphone. L'aigrefin se fait alors passer pour le grand patron et prétend livrer une confidence à l'employé : l'entreprise est en danger. Pour la sauver, avance le faux patron, il faut virer plusieurs centaines de milliers d'euros sur un compte, en Chine par exemple. Pour que ce geste, prétendument salutaire, soit couronné de succès, il faut que personne ne soit au courant.
>> DOCUMENT EUROPE 1 - Les escrocs opèrent au culot, en se montrant très persuasifs, comme le montre cet enregistrement qu'Europe 1 s'est procuré :
Au téléphone, l'employée n'ose pas résister. Tout se joue sur la pression : il faut convaincre le salarié que l'entreprise va être sauvée grâce à lui.
Pourquoi les employés se laissent-ils berner aussi facilement ? Simple au premier abord, l'arnaque est en fait bien préparée, avec tout un travail de collecte d'informations en amont. Car au-delà de l'aspect psychologique, l'escroc doit être crédible. Et pour cela, les malfaiteurs disposent d'un formidable outil : internet et la mine de données qu'il représente. Tout y est : l'organigramme de la société avec les noms de chacun, les bilans commerciaux, et même souvent les signatures manuscrites des patrons.
De l'importance de la discrétion sur internet. Un problème que l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDf) de la police nationale a d'ores et déjà bien cerné et les policiers font désormais de la prévention au Medef. Pour Jean-Marc Souvira, le chef de l'OCRGDF, le Web représente la véritable faiblesse des entreprises.
"L'escroc peut très bien aller fouiller le compte Facebook d'une entreprise et découvrir que les salariés se sont réunis lors de séminaires", explique-t-il au micro d'Europe 1. "Quand il va téléphoner au salarié ciblé, il va lui demandé 'hier il y avait une séance de tir à l'arc entre l'équipe des tee-shirts verts et des tee-shirts rouges, vous étiez dans quelle équipe ?", décrit le policier, précisant que "le fait de dire simplement cette phrase casse automatiquement, de manière presque subliminale, une barrière puisque cela fait partie de l'intimité de l'entreprise".
Des filières difficiles à remonter. L'an dernier, les plus grosses escroqueries ont atteint un préjudice de 25 millions d'euros avec des filières très difficile à remonter. Le pactole est en effet viré en plusieurs fois sur le compte en Chine. La mafia chinoise intervient alors en se versant une commission avant d'envoyer le reste des fonds vers une autre destination, souvent vers Israël, où résident les malfaiteurs.