L’info. Cette semaine, l’Assemblée Nationale va rattraper un retard accumulé depuis quinze ans. Quinze ans que la France a signé la Charte européenne des langues régionales, un accord communautaire passé entre 33 États membres du Conseil de l’Europe et destiné à promouvoir les langues minoritaires. Pour les députés, il s’agit d’adapter notre constitution, centralisatrice par nature, à une pratique développée depuis plusieurs années déjà par les collectivités locales. Le rapporteur de la proposition de loi, le socialiste et breton Jean-Jacques Urvoas, déplore en effet l’absence de statut légal qui peut décourager les initiatives qui existent pourtant déjà : "Signalétique ou livrets de famille bilingues, subventions aux écoles associatives... le projet le plus anodin peut déboucher sur des mises en cause devant les tribunaux", a prévenu le député PS.
Tour de France des langues régionales. Les langues régionales sont globalement en déclin mais la France compte tout de même 600.000 locuteurs en alsacien et 200.000 en breton, tandis que le corse est enseigné trois heures par semaine dans les écoles de l’Île de Beauté. A la Réunion, 53% des 800.000 habitants de l’île déclarent parler exclusivement créole au quotidien. Pourquoi ce retard ? Signataire de la Charte dès 1999, la France a par la suite traîné des pieds quand il a fallu ratifier le texte. A l’époque, le Conseil constitutionnel avait gelé le processus. En cause, le contenu de la charte, contraire au principe d’égalité devant la loi de tous les citoyens et incompatible avec l’article 2 de la Constitution : "la langue de la République est le français".
Un (très) long processus législatif. C’est la raison pour laquelle, en vue de la ratification de la Charte, une proposition de loi destinée à réviser la Constitution est finalement soumise par le PS. Le texte, qui sera débattu puis voté à l’Assemblée, stipule en effet que "la République peut ratifier la Charte", tout en conservant une possibilité de "déclaration interprétative" afin de laisser les coudées franches au Conseil constitutionnel. Divisions politiques. Cette proposition de loi divise d’ores et déjà profondément l’Assemblée, quelle que soit la couleur politique des députés. Marie-Françoise Bechtel, chevènementiste convaincue, se dit hostile à toute "fragmentation" de la République tandis que l’écologiste Paul Molac souligne un paradoxe bien français : "la France défend la richesse culturelle hors de ses frontières alors qu'elle ferme les yeux sur celle de son propre territoire". Entre héritage jacobin et reconnaissance des particularismes, le débat est loin d’être tranché.