La sortie de Xavier Bertrand mardi matin sur Europe 1 à propos de la hausse des tarifs des mutuelles n’est pas passée inaperçue du côté des organismes complémentaires d’assurance maladie (assurances, mutuelles et instituts de prévoyance). "Il y a d’ailleurs des mutuelles, je fais de la pub, tant mieux pour elle, la GMF Santé, elle a augmenté ses tarifs de 0%. Comment elle fait ? Pourquoi les autres ne le font pas ?", a lancé le ministre de la Santé, interviewé par Jean-Pierre Elkabbach à 8h20. Avant d’enfoncer le clou : "Les adhérents des mutuelles doivent aussi demander des comptes. Les coûts de gestion dans les mutuelles, c’est près de 20%".
Que se passe-t-il entre Xavier Bertrand et les mutuelles ? Europe1.fr démêle pour vous le vrai du faux.
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Pourquoi ce débat sur les mutuelles ?
Depuis que le gouvernement a décidé fin septembre de doubler de 3,5% à 7% la taxe sur les contrats de santé "solidaires et responsables" des complémentaires santé, un bras de fer médiatique s’est engagé entre le ministre et les mutuelles. Xavier Bertrand, lui-même ancien assureur, justifie le choix d'augmenter cette taxe par la volonté de ne pas baisser le niveau de prestation. Ciblant plus particulièrement les mutuelles, Xavier Bertrand estime qu’elles ne sont pas obligées de répercuter cette taxe sur leur clients. De son côté, la Mutualité française annonçait le 13 octobre dernier que la hausse de la taxe sur les contrats de santé des mutuelles va provoquer une hausse moyenne de leurs tarifs de 4,7% en 2012 : 3,2% à cause de la taxe et 1,5% en raison de la hausse des dépenses de soin.
Les complémentaires santé sont-elles obligées de répercuter la hausse des taxes ?
Entre 2005 et 2012, le taux de taxation sur les complémentaires santé aura été multiplié par sept, passant de 1,78% à 13,27%, explique Mathieu Escot, chargé de mission santé à l’UFC – Que Choisir qui a récemment publié une étude sur la question. En 2012, les Français paieront 75 euros de taxe par personne, contre 10 à 15 euros seulement en 2005. "Au final, elles doivent forcément répercuter en partie la hausse des taxes sur les tarifs des clients", confirme Mathieu Escot.
La hausse des taxes est-elle la seule responsable de la hausse des tarifs ?
"Xavier Bertrand fait mine d’oublier que les dépenses de santé augmentent de 2 à 3% par an. Si nous voulons être à l’équilibre, nous devons augmenter nos tarifs", assure Jean-Martin Cohen Solal, docteur et directeur général de la Mutualité française. Avec le vieillissement de la population, les dépenses de soin ont effectivement tendance à progresser. Le report des charges de l’assurance maladie vers les complémentaires santé est également une réalité. Entre 2004 et 2010, il s’élève à 2,3 milliards d’euros.
Pourquoi les mutuelles ne s’inspirent pas de la GMF ?
L’exemple pris par Xavier Bertrand, la GMF Santé, est vrai mais c’est un cas très particulier. Déjà, il s’agit d’une assurance mutuelle et non d’une mutuelle stricto sensu. Ensuite, la GMF Santé vient de lancer sa complémentaire santé et cherche donc à attirer de nouveaux clients. En plus, cette activité ne concerne que 20 000 personnes sur ses 3,2 millions d’adhérents et moins de 0,2% de son chiffre d’affaires. Il paraît donc compliqué de comparer cet exemple à l’ensemble des mutuelles pour qui la santé représente 85% de leur activité.
Quel est le niveau des frais de gestion des complémentaires santé ?
Leurs frais de fonctionnement se chiffrent à 7 milliards d’euros pour 31,5 milliards d’euros de cotisations en 2009, soit en moyenne 22%. Nous sommes donc bien dans la fourchette mentionnée par Xavier Bertrand, même si ces chiffres concernent l’ensemble des complémentaires santé et pas seulement les mutuelles.
Les frais de gestion des mutuelles sont-ils exorbitants ?
L’assurance maladie, qui gère cinq fois plus d’argent que les complémentaires santé, ne dépensait que 7,7 milliards d’euros en frais de gestion en 2010. Comment expliquer une telle différence ? Jean-Martin Cohen Solal, docteur et directeur général de la Mutualité française se défend : "On ne peut pas comparer un monopole public et un secteur concurrentiel, c’est comme comparer des choux et des carottes. Contrairement aux mutuelles, l’assurance maladie n’a pas besoin de récolter les cotisations des adhérents. C’est l’Acoss qui s’en charge. L’assurance maladie n’a pas non plus besoin de communiquer. Enfin, les mutuelles ne remboursent pas les mêmes choses".
Mathieu Escot tient cependant à préciser que les 7,7 milliards d'euros calculés pour les frais de gestion de la Sécu prennent en compte les frais de fonctionnement de l'Acoss. "Les coûts de gestion des complémentaires santé sont trop importants", tranche-t-il. "Le marché n’est pas lisible. Du coup, les clients ne peuvent pas faire jouer la concurrence. Il faut dynamiser la concurrence pour que les complémentaires santé rationalisent leurs coûts", conseille-t-il.