Le projet de loi n'est même pas encore devant le parlement que plusieurs maires ont déjà averti qu'ils refuseraient de célébrer des mariages homosexuels. Une pétition circule même pour demander l'ajout d'une clause de conscience dans le projet de loi. Mais d'après les constitutionnalistes interrogés par Europe1.fr, cette fronde serait vaine.
Des révocations possibles
"Les maires agissent en tant qu'agents de l'Etat. Ils sont obligés de se conformer aux lois en vigueur. S'ils refusent d'organiser un mariage, ils risquent des sanctions et même une révocation de leurs fonctions d'officier d'état-civil", explique le constitutionnaliste Bertrand Mathieu.
En réalité, les sanctions encourues par les maires qui refuseraient de célébrer un mariage homosexuel si la loi était adoptée seraient les mêmes que celle qu'ils risquent actuellement en en célébrant un, alors que c'est interdit, assure ce professeur de droit constitutionnel. En 2004, le maire de Bègles, Noël Mamère avait ainsi été suspendu de ses fonctions un mois après avoir célébré l'union de deux hommes. La ministre de le Justice, Christiane Taubira, a par ailleurs rappelé que les maires contrevenants risquaient également d'être poursuivis par des couples qui s'estimeraient victimes de discrimination.
Une clause de conscience inconstitutionnelle ?
Mais les maires brandissent la menace de faire valoir une clause de conscience. Un tel dispositif doit d'abord être prévu dans la loi, rappelle le constitutionnaliste Bertrand Mathieu. Et même si le projet de loi comportait une clause de conscience - comme celle qui permet par exemple aux médecins de refuse de pratiquer un IVG -, elle pourrait être frappée d'inconstitutionnalité.
Ainsi, les Sages auraient à arbitrer entre l'argument selon lequel cette clause mettrait en cause le principe d'égalité des citoyens devant la loi et le principe du respect de la liberté personnelle, qui rend impossible de se voir imposer de faire quelque chose que l'on considère comme "insupportable", analyse Bertrand Mathieu.
"Une atteinte à la laïcité"
Pour Roseline Letteron, auteure du blog Libertés chéries, les personnes qui souhaitent cette clause de conscience "considèrent le mariage civil comme un sacrement, comme le mariage religieux, or ce n'est qu'un acte d'état-civil". Cette conception est donc "une atteinte à la laïcité", selon elle, qui pourrait être un motif d’inconstitutionnalité de la loi.
Mais le plus important pour cette professeure de droit public est l'essence même de la fonction de maire. "L'état-civil est le seul domaine où les maires n'ont aucune autonomie. Ils sont obligés d'appliquer la loi", rappelle-t-elle. Si des maires refusaient de célébrer des mariages homosexuels, il y aurait donc selon elle un problème de constitutionnalité.
Donner plus de pouvoir aux maires ?
"La solution serait de modifier la loi sur la décentralisation pour donner aux maires un pouvoir discrétionnaire en matière d'état-civil. Mais cela concernerait tous les domaines et donc un officier d'état-civil pourrait, par exemple, refuser d'enregistrer la mort de votre grand-mère... Ça serait hallucinant !", explique Roseline Letteron.
Si cette loi n'était pas modifiée, il resterait aux maires deux solutions déjà existantes : laisser un de leurs adjoints célébrer le mariage ou en dernier recours saisir le procureur si les conditions pour se marier ne sont pas remplies ou s'ils soupçonnent un mariage blanc.