L’émotion est vive après l’annonce mardi de la mort de Marie Dedieu. Cette Française de 66 ans avait été enlevée dans la nuit du 30 septembre et du 1er octobre dernier à son domicile de Manda, une île kenyane. C’est à cette occasion que les Français avait découverte cette retraitée qui avait choisi de vivre la moitié de l’année en Afrique. Mais Marie Dedieu était aussi une femme à la vie bien remplie par son passé d’actrice et de militante féministe, qui comptait de nombreux amis dans le monde des arts et des lettres. Deux d’entre eux, le metteur en scène Antoine Bourseiller et la romancière Anne de Bascher, sont revenus sur Europe 1 sur le parcours de leur amie.
"Je me suis dit que le monde lui appartenait"
"Je l’ai découverte dans mon école, que j’avais créée à Aix-en-Provence, et je me suis aperçu très vite qu’elle avait quelque chose à dire au théâtre", raconte Antoine Bourseiller. "Elle était grande, elle était belle, elle était intelligente. Du coup, je l’ai engagé pour créer une pièce au festival d’Avignon en 1967. Elle ne jouait pas un grand rôle, mais pour moi, elle était indispensable dans la pièce."
Anne de Bascher se souvient, elle, "d’une femme radieuse, d’une beauté stupéfiante, d’une démarche insolente, souveraine." "Quand je l’ai vue pour la première fois, je me suis dit que le monde lui appartenait", lance encore la romancière. Les deux femmes ont ensuite milité côte à côte au sein du Mouvement de libération de la femme (MLF). Elles ont même toutes les deux signé le "manifeste des 343" réclamant le droit à l’avortement, en avril 1971.
"Son avenir a été brisé par cet accident"
Mais tout a changé le 11 juin 1971, quand le véhicule dans lequel se trouve Marie Dedieu, conduit par le comédien Jean-Pierre Léaud, percute un platane. La comédienne ressortira de ce drame lourdement handicapée. "Son avenir a été brisé par cet accident", juge Anne de Bascher. "Elle a été énormément blessée", confirme Antoine Bourseiller. "Elle m’avait demandé de joindre Jerzy Grotowski, qui était une star du théâtre internationale et dont elle avait été élève, pour qu’il lui apporte quelque chose pour ne plus vivre", révèle le metteur en scène.
Passé ce moment de désespoir, Marie Dedieu retrouve sa volonté et son orgueil. "Elle avait refusé le fauteuil roulant", se remémore Anne de Bascher. "C’est nous qui la portions pour tous ses soins, pour tout ce que nous faisions autour et avec elle."
Il y a 16 ans, Marie Dedieu avait décidé de vivre une partie de l’année en Afrique. Mais ses amies lui étaient restées fidèles. "Nous sommes sur le pied de guerre depuis son enlèvement. Nous étions en contact permanent et nous sommes toutes absolument ravagées par ce qui vient d’être annoncé", souffle Anne de Bascher.