Mediator : 80% des dossiers rejetés

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Marisol Touraine se dit "très attentive à ce que les victimes puissent être indemnisées correctement".

Le chiffre intrigue : entre 80 et 85% des demandes d’indemnisation déposées par les victimes présumées du Mediator ont été rejetés. Et pourtant, ce médicament, largement détourné comme coupe-faim durant sa commercialisation de 1976 à 2009, est soupçonné d'avoir causé au moins 500 morts en 30 ans voire 1.320 à 2.000 selon d'autres estimations. Ce refus massif relance donc le débat : l’organisme chargé de l’indemnisation est-il sous influence ou le scandale du Mediator a-t-il été surestimé ?

Les victimes du Médiator affluent et sont déboutées

Les patients ayant connu des problèmes cardiaques après avoir consommé ce médicament des laboratoires Servier ont logiquement afflué à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), un organisme d’indemnisation rapide, qui évite de passer devant les tribunaux.

Mais sur 831 dossiers reçus par l’Oniam, 712 ont en effet été rejetés et 112 ont été jugés recevables, selon Le Parisien. Soit moins de 15% des dossiers reconnus comme légitimes. Quelques heures plus tard, le président de l'Association des victimes du Médiator (Avim) confirmait ce chiffre : environ 80% des dossiers d'indemnisation ont été jugés irrecevables.

La ministre de la santé Marisol Touraine s'est toutefois dite mercredi "très attentive à ce que les victimes" du médicament Mediator "puissent être indemnisées correctement, soulignant que le laboratoire Servier qui le commercialise "devra assumer ses responsabilités" sur ce point.

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Comment expliquer un si faible taux ?

L’examen de toutes les demandes d’indemnisation est loin d’être fini, il reste plusieurs milliers de dossiers à examiner, mais ce premier bilan d’étape interpelle : l’affaire du Mediator a-t-elle été surestimée ou le laboratoire Servier continue-t-il d’agir pour minimiser l’ampleur du scandale médical ?

Si les demandes d’indemnisation n’aboutissent pas, c’est avant tout parce que les victimes présumées ne doivent pas seulement souffrir d’une maladie cardiaque : elles doivent fournir un dossier détaillé, documenté par des ordonnances, des examens médicaux. Puis les experts doivent juger cette maladie cardiaque suffisamment invalidante pour justifier un dédommagement.

Des conditions nécessaires mais trop strictes aux yeux d’Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest et première à dénoncer les risques liés au Mediator. Mais au-delà de l’aspect procédural, cette dernière pointe sur Europe 1 une autre explication : la pression exercée par les laboratoires sur les experts de l’Oniam.

"C'est une question de lâcheté"

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"Je sais qu'il y a des discussions extraordinairement vives au sein du collège d'experts. Lorsqu'un nouveau dossier arrive et qu'il y a un doute, cela bénéficie systématiquement à Servier", accuse-t-elle. "Ce n'est pas une question d'honnêteté, c'est une question de lâcheté : la plupart des experts ont peur de perdre face à Servier, ils préfèrent sacrifier l'intérêt des patients", ajoute Irène Frachon.

La pneumologue met aussi en cause "l'incompétence" des experts et affirment que ceux-ci "ont du mal à raisonner de façon parfaitement scientifique face à de nombreuses pressions et inquiétudes qui parasitent leur raisonnement".

Du côté des laboratoires Servier, on est évidemment d’un tout autre avis : "ces données confirment que le risque de problème valvulaire lié à la prise du Mediator est rare et que, lorsqu’il y a un effet, il est peu important dans la majorité des cas", a réagi son porte-parole, toujours dans Le Parisien.

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