Jacques Servier n’entend pas reconnaître la responsabilité de son laboratoire dans l’affaire du Mediator. Le docteur en médecine et en pharmacie, âgé de 89 ans, est convoqué le 9 novembre devant le juge pour être entendu sur ce scandale sanitaire, responsable selon certains de la mort de 500 à 2.000 patients par valvulopathie, une complication cardiaque. Jacques Servier devrait répéter ce qu’il a dit lors de son audition par les gendarmes en février dernier. Le Journal du dimanche révèle le contenu de cet interrogatoire, dans lequel la neuvième fortune de France dédouane sa société de toute responsabilité et accuse les autorités sanitaires.
"Très clairement, le groupe n’a rien à se reprocher. Je ne reconnais aucune responsabilité en la matière. Je considère que c’est une très mauvaise cause qui nous est opposée", a ainsi déclaré Jacques Servier, avant de passer à l’offensive. "Publier des travaux présentant la dangerosité d’un médicament est un moyen, pour un expert, de se faire connaître. La presse aime à relayer les mauvaises nouvelles. Ça fait vendre", a-t-il déclaré aux gendarmes, en assurant que la hausse du nombre de valvulopathies détectées était due au progrès de la médecine cardiaque.
"Attaqués par un groupe hostile"
Quant au rapport de l’Information générale des affaires sanitaires, accablant à l’égard du laboratoire, Jacques Servier a voulu le décrédibiliser. "Ce rapport n’a pas de base solide pour deux raisons : nous n’avons jamais été consultés ; et de plus, nous avons la preuve que certains rédacteurs sont en état de rancune et d’animosité personnelle envers nous, c’est-à-dire qu’il y avait eu des différends avec eux dans le passé. Je ne souhaite pas en dire davantage".
Bref, conclut le docteur, "les laboratoires ont été attaqués par un groupe hostile car je ne comprends pas qu’un tel battage médiatique ait été mené sur un produit secondaire. Quelques mois après le retrait du Mediator, il y a eu celui d’un antidiabétique d’un autre laboratoire, mais il n’y a eu aucun impact médiatique".
"Non-méfiance de l’administration"
Et puis, se révolte Jacques Servier, c’est aux autorités sanitaires qu’incombait la tâche de vérifier la dangerosité d’un produit. "De 1976 à 2007, il y a eu quatre vérifications complètes de l’agence de santé", a-t-il rappelé. Il relève par ailleurs que, "en septembre 2009, l’Agence du médicament a autorisé le médicament générique du Mediator. Selon moi, cela situe le niveau de non-méfiance de l’administration envers le Mediator".
Voilà donc en substance ce que Jacques Servier devrait dire au juge Pascal Gand, au pôle judiciaire de santé publique à Paris. On voit mal en effet le vieux docteur rendre les armes. L’embauche de 23 avocats, chapeauté par me Témime, ne semble en effet pas aller dans ce sens.