C'est une voix supplémentaire qui vient s'ajouter au concert de critiques sur l'opacité, la lenteur et l'arbitraire du système d'indemnisation des victimes du Mediator. Le Dr Philippe Hervé a annoncé jeudi sa démission du collège d'experts indépendants sur l'indemnisation. Il proteste contre les méthodes d'évaluation des préjudices qu'il juge défavorables aux patients.
La "lourdeur effrayante" du système
Ce pneumologue a envoyé "par mail avant-hier (mardi) et par lettre aujourd'hui" (jeudi) sa démission du collège d'experts de l'Oniam en dénonçant la "lourdeur effrayante" du système. Il déplore que les personnes souffrant de faibles insuffisances aortiques soient écartées de toute indemnisation. Si ces atteintes mineures (dites de grade 1) ne représentent qu'une "rayure sur la carrosserie", on ignore leur devenir dans le futur, relève-t-il.
Un avis partagé par le docteur Irène Frachon, celle qui a fait éclater l'affaire du Mediator. "Nous dénonçons en réalité le naufrage du fonctionnement du fonds d'indemnisation qui a été mis en place il y a un an. Cela aboutit aujourd'hui à l'absence de résultats tangibles et la quasi absence d'indemnités", explique-t-elle sur Europe 1. Selon le Dr Frachon, certains avis rendus sont "contradictoires par rapport aux données scientifiques actuelles disponibles sur le Mediator".
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Une "machine qui a déraillé d'emblée"
"Je demande que l'on stoppe cette machine qui a déraillé d'emblée et qui est incapable de se remettre sur les rails. Il faut prendre le temps de faire autre chose que n'importe quoi" estime-t-elle. Le Dr Frachon réclame donc "des règles claires, une grille d'évaluation du préjudice". "L'indépendance n'autorise pas l'arbitraire", tance-t-elle.
Pour plusieurs médecins, ce collège d'experts trahit l'esprit de la loi qui a présidé à la création du fonds d'indemnisation. "Il faut que tout le collège démissionne ou soit démissionné", tranche le Docteur Dominique Courtois, président de l'Avim (association d'aide aux victimes de l'Isoméride et du Mediator).
En un an, sur plus de 7.500 dossiers déposés, moins de 50 patients (sur environ 750 ayant fait l'objet d'un avis définitif) ont reçu un avis favorable ouvrant la voie à une indemnisation. A ce rythme, on y sera encore dans dix ans, note le Docteur Courtois, jugeant ces délais "inadmissibles". D'autant, précise-t-il, qu'il reste beaucoup de dossiers à déposer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).