Nouvelle plongée au cœur de l'affaire Merah. Libération eu accès à l'intégralité des échanges entre "le tueur en scooter" et un officier du Renseignement intérieur lors du siège de son appartement, les 21 et 22 mars. Entre interrogatoire, discussion familière et rapport de force, le quotidien a sélectionné les extraits les plus marquants de ces quatre heures de conversation. Revue de presse.
Merah poursuivait "un but précis". Parce qu'il ne voulait pas passer pour "un fou d'Al-Qaïda", Mohamed Merah a décidé d'un message à faire passer. Alors qu'un "frère" lui avait suggéré de tuer "tout ce qui est civil et mécréant : les gays, les homosexuels, ceux qui s'embrassent publiquement", Mohamed Merah a préféré "cibler" ses victimes.
"J'avais un but précis. Dans mes choix de victimes", affirme le tueur à son interlocuteur. "J'aurais jamais tué des enfants si vous aurez pas tué nos enfants (sic). J'ai tué des enfants juifs, parce que mes petites sœurs, mes petits frères musulmans se font tuer. Je tue les militaires en France parce qu'en Afghanistan, ils tuent mes frères. Je tue des juifs en France, parce que ces mêmes juifs-là... euh tuent des innocents en Palestine", poursuit Mohamed Merah.
Le tueur "apaisé" par ses meurtres. Mohamed Merah a livré ses émotions sur les sept assassinats de Toulouse et Montauban. Si le tueur en scooter reconnaît que le premier meurtre a été "éprouvant", il confie surtout avoir été "apaisé" après les autres meurtres.
"Sur le moment, c'était chaud, je ressentais rien… C'était une épreuve, t'as vu. Abattre un homme, Hamdullah, je savais que c'était une action mais je ressens quelque chose. Et, psychologiquement, j'étais fatigué. Pas physiquement. Je dormais beaucoup", rapporte Mohamed Merah au sujet de son premier meurtre, qui a coûté la vie à un parachutiste, le 11 mars à Toulouse.
Concernant la tuerie le 15 mars à Montauban où il a abattu deux autres militaires et en a très grièvement blessé un troisième, Mohamed Merah confie avoir eu le cœur apaisé. "Et, comme il était apaisé, je voulais refaire ça à chaque fois et (...) de récidiver dans mes opérations, je me sentais de mieux en mieux", poursuit-il.
Mohamed Merah abattra encore trois élèves et un père de famille le 19 mars dans une école juive de Toulouse. "Hamdullah, je me sens t'as vu, j'ai le cœur apaisé. Je suis fier de moi et je demande à ce qu'Allah soit fier de moi, et qu'il accepte ces bonnes actions, tu vois", résume le tueur en scooter.
Des armes issues du banditisme. L'officier de renseignement Hassan a également profité de son entretien avec le tueur pour obtenir des informations sur le mode opératoire de Mohamed Merah et notamment sur sa facilité à obtenir des armes de guerre. "Tu vas pas acheter des armes à Auchan quand même. T’as fait comment ?", interroge le brigadier. "Ben j'ai cherché (…), et ces armes-là, je les ai trouvées du côté du banditisme, des vendeurs en gros d'armes à feu", confie Mohamed Merah.
Les failles de l'enquête pointées par Merah. Tout au long de sa conversation avec le policier, l'auteur revendiqué des tueries de Toulouse et Montauban tente de savoir comment les enquêteurs ont retrouvé sa trace. Mohamed Merah souligne au passage les erreurs des enquêteurs. En novembre 2011, le tueur a en effet été convoqué par la Direction centrale du renseignement intérieur à qui il avait expliqué s'être rendu en Afghanistan pour faire du tourisme. "Franchement, t'y a cru à cette histoire de tourisme ?", demande Mohamed Merah au brigadier Hassan qui l'avait interrogé.
Pour souligner les failles des enquêteurs, le tueur ajoute : "J'étais en pleine zone tribale dans le Waziristan et j'ai envoyé des e-mails à ma mère pour pas qu'elle s'inquiète, et apparemment vous en savez rien du tout". Au cours de ce stage en zone tribale, Mohamed Merah a été entraîné au tir par Al-Qaïda. La suite, tragique, est connue.