Ils n'ont pas dormi, et ont vécu un cauchemar toute la nuit du 21 mars. Un cauchemar qui se poursuit encore, tant ils ont le sentiment d'être abandonnés. Mais les anciens voisins de Mohamed Merah sont sortis de leur silence mercredi, pour obtenir réparation des dommages causés par l'assaut du Raid cette nuit-là, dans leur immeuble. Ils espèrent ainsi mettre fin à un parcours du combattant de plus de quatre mois, baladés entre administrations, assurances et syndicats de copropriétés.
"On doit se battre pour chaque détail"
Regroupés en un "Comité 17", une quinzaine de voisins du tueur ont raconté à la presse les affres endurées pour obtenir le remboursement des travaux de colmatage des impacts de balles dans les murs ou dans les voitures garées dans la rue. Trou dans le parquet, canalisations explosées, tuyaux de radiateur arrachés, porte transpercée, fissures multiples... La liste de leurs doléances est longue.
Ces voisins, vivant dans la même cage d'escalier que Merah, au 17 rue du Sergent-Vigné, ou dans la même rue, ont décrit leur calvaire dans le Canard enchaîné de mercredi.
Locataire du troisième étage de l'immeuble, Coumba Ba, 26 ans, assure par exemple payer de sa poche les 60 euros déboursés chaque semaine depuis mi-avril pour les séances chez le psychologue pour sa fille de 4 ans et demi; "Ça devait être pris en charge, mais finalement j'ai dû faire avec mes moyens, et maintenant je veux juste partir de Toulouse", témoigne-t-il.
Léonie, une serveuse de 22 ans, relate n'avoir tiré que 500 euros de sa voiture criblée de balles, considérée comme une épave par son assureur et avoir dû en acheter une nouvelle. "Notre colère vient aussi du fait qu'on doive se battre pour chaque détail", renchérit Florence, 41 ans, qui a vu le plancher de son appartement juste en-dessous de celui de Merah détruit.
"On nous traite comme un dégât des eaux"
Quatre familles ont déjà quitté l'immeuble, rapporte le concierge, et d'autres cherchent à vendre. Mais, témoigne une habitante de 23 ans, "quand ils voient que c'est l'immeuble de Merah, certains acheteurs ne prennent même pas la peine de monter".
Le préfet de Haute-Garonne, peu de temps après le siège, avait pourtant déclaré : "Il n'y a pas de limite. A partir du moment où les travaux sont réalisés et qu'ils sont payés, la justice rembourse." Mais dans les faits, quatre mois après la mort de Mohamed Merah, seule la devanture du bâtiment, parsemée d'impacts de balles, a été ravalée.
En cause, selon ces résidents, les atermoiements d'administrations et d'assurances se renvoyant la balle. Le Comité 17 réclame donc un interlocuteur unique. "On nous traite comme un dégât des eaux", résume un membre du collectif.
Toulouse avance certaines sommes
Le discours est tout autre à la mairie de Toulouse. Romain Cujives, conseiller municipal et chargé de ce quartier, a assuré jeudi sur Europe 1 que ces habitants ne "sont pas abandonnés". "Le véritable problème, c’est qu’on est face à un événement exceptionnel. Aucune assurance, aucune mairie n’est préparée à un événement comme celui-là", a-t-il détaillé avant d'ajouter : "les assurances disent : 'nous voulons une parole claire de l’Etat disant qu’il nous remboursera et à ce moment-là, qu’on nous fasse passer des devis et nous rembourserons'". "Le ministère de la Justice a reçu 21 demandes d’indemnisations. Quatre ont été traitées. Quatre sont en cours", a assuré Romain Cujives.
Par ailleurs, a-t-il affirmé, la ville rose s'investit. "A Toulouse, nous, nous sommes en capacité, et nous prenons l’engagement, d’avancer certaines sommes pour des travaux ou pour louer des voitures. Nous avons déjà commencé à le faire. Sept personnes ont déjà reçu une aide financière", a-t-il précisé.