LOGORRHEE. Il serait, selon lui, tout à la fois "roi d'Israël", neveu de la reine d'Angleterre, et descendant du général de Gaulle. Lundi, à l'ouverture de son procès devant la Cour d'appel de Bordeaux, Thierry Tilly, le gourou présumé de Monflanquin, a poursuivi son "show" entamé en première instance. L'incroyable logorrhée d'un prévenu aussi prolixe que farfelu, noyant l'audience sous un flot de références hasardeuses. Thierry Tilly est accusé d'avoir escroqué toute une famille de l'aristocratie bordelaise, les de Védrines, devenus pour la presse "les reclus de Monflanquin". Vraisemblablement tombés sous la coupe de Thierry Tilly, onze membres de cette famille ont été ruinés au terme de dix années d'une manipulation aussi incroyable qu'interminable. En novembre dernier, le tribunal correctionnel de Bordeaux l'avait condamné à huit ans de prison ferme pour "abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique". Le procès en appel doit s'achever vendredi.
"J'entends obtenir la relaxe". Dès l'ouverture de son procès lundi matin, Thierry Tilly, vêtu d'un polo noir, droit dans le box, se met en scène. Alors que le président de la Cour, Michel Barrailla, commence par égrener ses précédentes condamnations, le gourou présumé l'interrompt et lui intime l'ordre de ne pas les citer, au motif qu'elles seraient "caduques" ou "non inscrites à (son) casier judiciaire". "Vous répondrez quand je vous donnerai la parole. Vous voulez que votre procès se tienne?", lui rétorque Michel Barrailla. "Pourquoi pas, M. le président?", glisse le prévenu à la silhouette étriquée. Plus tard, le président lui redonne effectivement la parole. "Pourquoi avez-vous fait appel ?", lui demande le magistrat, rapporte le quotidien régional Sud Ouest. Thierry Tilly se lève et répond : " j'entends obtenir la relaxe".
Footballeur et fondateur de Greenpeace. C'est le début d'un long monologue surréaliste, incohérent, proche du délire. Tout y passe, la famille d'Angleterre, le général de Gaulle, ("j'ai assisté à sa mort dans son bureau") et l'héritage du philosophe Raymond Aron. Il n'est pas simplement "citoyen israélien", il est le "roi" de l’État hébreu. Au final, un discours de plusieurs minutes qui agrège pêle-mêle l'équipe de football de Sochaux, un album Panini, et Greenpeace, dont Thierry Tilly serait le fondateur. Les avocats des parties civiles s'esclaffent, de même que Me Alexandre Novion, l'avocat du prévenu, qui ne peut se retenir.
Simple délire ou stratégie cynique ? Auparavant, de façon plus cynique, Thierry Tilly avait désigné les de Védrines. "Ce sont des membres de ma famille, je les connais depuis l'enfance" avait-il lâché à propos de cette famille qu'il est accusé d'avoir dépouillée de tous ses biens. D'ailleurs, il récuse "l'intégralité" des faits reprochés, puisqu'il est "l'homme le plus riche de France", selon ses dires : "je n'ai aucun intérêt matériel à détourner l'argent de ma famille". Pour l'un des avocats des parties civiles, Me Daniel Picotin, tout cela relève d'une "stratégie" grossière. Pendant cette première matinée, Me Novion a regretté les "tartarinades" de son client, et également soulevé plusieurs exceptions de nullité, versées au fond par la Cour. Avant l'audience, il avait déclaré à la presse qu'il était impossible à son client d'accepter un jugement qui fait de lui "un être machiavélique".
L'interminable cauchemar des de Védrines. Les élucubrations de Thierry Tilly, dans l'absurde, pourraient être simplement comiques. Mais le témoignage des victimes présumées rappelle l'enfer qu'ont vécu "les reclus de Monflanquin". Nous allons "replonger dans quelque chose que nous avons vécu" des années durant, avait déclaré avant l'audience Ghislaine Marchand, née de Védrines, qui, en 1997, avait présenté le gourou présumé à sa famille. "C'était un cauchemar terrible. Plus j'avance et plus je me rends compte à quel point nous avons été esquintés".
Des faits d'une "extrême gravité". Thierry Tilly comparaît seul après le désistement de son complice présumé Jacques Gonzalez, condamné en première instance à quatre ans de prison. Dans décision de novembre, le tribunal correctionnel de Bordeaux avait condamné les deux hommes à indemniser les victimes de leur préjudice matériel (un peu plus de 4,6 millions d'euros au total) et de leur préjudice moral (505.000 euros). Le tribunal avait dénoncé l'extrême gravité des faits, considérant que Thierry Tilly avait su "exploiter les failles", les "mésententes", les "rivalités" et "mesquineries" d'une famille par une série de "pressions et de techniques psychologiques".