Nouvelle charge des avocats contre la garde à vue

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avec AFP , modifié à

La jeune garde des avocats s'appuie sur une directive européenne pour obtenir l'accès au dossier de leur client pendant la garde à vue.

L'INFO. Quand une "simple" affaire de vol de cartes téléphoniques se transforme en procès de la garde à vue. Les avocats de la conférence du stage, la fine fleur des jeunes avocats parisiens, appuyés par le barreau, ont profité du procès de trois prévenus en comparution immédiate pour dénoncer une nouvelle fois le régime français de la garde à vue. Leur revendication ? Pouvoir accéder au dossier de leur client lorsque ces derniers sont entendus par la police, chose impossible aujourd'hui en France. S'étant vu refuser cette demande dans ce cas précis, les jeunes conseils ont ainsi demandé l'annulation de la garde à vue de leurs clients. Cette contre-attaque s'appuie sur une directive européenne qui doit être transposée en droit français avant le 2 juin 2014.

• Que dit la directive européenne en question ? La directive, datée du 22 mai 2012, doit être transposée en droit français avant le 2 juin 2014. Elle dispose notamment que "lorsqu'une personne est arrêtée et détenue à n'importe quel stade de la procédure pénale, les États membres veillent à ce que les documents (...) qui sont essentiels pour contester (...) la légalité de l'arrestation ou de la détention soient mis à disposition de la personne arrêtée ou de son avocat".  

• Que demandaient les avocats ? Dans leurs plaidoiries, les avocats se sont fondés sur un principe selon lequel le tribunal peut "adapter le droit national aux objectifs fixés par la directive sans nécessairement attendre sa transposition", a fait valoir Me Alexandre Vermynck. Le tribunal a le "pouvoir de mettre un terme à une injustice", a lancé l'avocat aux juges. Me Vermynck leur a demandé de sortir du "système" fondé sur "l'aveu en garde à vue d'une personne déstabilisée". Son confrère Thomas Klotz a quant à lui appelé les juges à mettre fin à un "archaïsme aujourd'hui intenable".

• Demandes rejetées et prévenus condamnés. Après plus d'une heure et demie de délibéré, le tribunal a rejeté ces demandes, estimant que les effets de la directive ne peuvent être invoqués avant l'expiration du délai de transposition. Le tribunal, présidé par le juge Patrick Ramaël, a ainsi suivi la position du parquet. A l'issue du délibéré, Me Vermynck a estimé que les juges n'ont pas répondu à la question de l'application du principe qu'ils ont soulevée.  Les  prévenus, qui comparaissaient quant à eux pour le vol de 700 cartes de téléphones prépayée, ont été condamnés à des peines allant de 18 mois de prison dont 14 avec sursis, à deux ans, dont 14 mois avec sursis.

• Une pratique effective dans 20 pays de l'U.E. Selon Me Pierre-Olivier Sur, nouveau bâtonnier désigné du barreau de Paris, la présence de l'avocat en garde à vue est garantie dans 25 pays européens. Et l'accès au dossier l'est quant à lui dans 20 états membres.  "Il y a derrière nous 25.600 avocats", a-t-il lancé, en faisant référence au nombre total des avocats parisiens. "Nous voudrions que ce jeu de poker menteur" en garde à vue, sans accès au dossier pour l'avocat "se transforme en jeu de vérité judiciaire", a-t-il poursuivi.

• "C'est un mouvement qui commence". Ainsi, les avocats ne désarment pas et prévoient de plaider à nouveau pour demander l'application de ce principe. Dans ce but, ils vont mettre à la disposition de leurs confrères leurs conclusions sur ce point afin qu'ils puissent les plaider, notamment dans le cadre des permanences pénales des avocats. "C'est un mouvement qui commence", a souligné à l'audience Me Marie-Alix Canu-Bernard, membre du conseil de l'ordre, qui avait averti dans un sourire "vous allez tous y passer ! On va plaider devant toutes les juridictions".

•  Que répond Christiane Taubira ? De son côté, la Garde des Sceaux a réagi mardi en assurant que "la directive sera bien transposée avant l'échéance, selon des modalités qui sont en cours de définition". Christiane Taubira a précisé qu'une telle réforme doit s'organiser "pour ne pas fragiliser l'action judiciaire". "Depuis que nous sommes aux responsabilités, dès le premier conseil des ministres les 7 et 8 juin 2012, j'ai changé la position de la France sur la présence de l'avocat à l'audition libre (hors garde à vue, ndlr) (...), l'Union européenne a imposé la présence de l'avocat en garde à vue et cette réforme a pu se faire de façon fluide grâce à la mobilisation des avocats", a rappelé devant la presse Christiane Taubira en marge d'une conférence de presse.