Un nouveau revers pour le Pr Gilles-Eric Séralini. Les conclusions de son étude choc qui affirmait la toxicité du maïs transgénique NK603 sont réfutées par les deux autorités saisies par le gouvernement. Leurs avis, très attendus, ont été rendus publics lundi. Le Pr Séralini et son équipe de l'université de Caen ont nourri pendant deux ans 200 rats avec le maïs transgénique et certains avec l'herbicide Roundup. Les résultats sont "alarmants", selon le scientifique : les rats meurent plus jeunes et développent plus de tumeurs. Les autorités sanitaires sont, elles, très sceptiques.
• Ce que dit le Haut conseil des biotechnologies (HCB)
Il n'y a "pas de causalité entre les événements observés et la consommation de maïs NK603, traité ou non avec l'herbicide Roundup", selon le HCB. Comme d'autres avis rendu avant lui, l'autorité critique la méthodologie de l'étude : "le dispositif expérimental mis en œuvre est inadapté aux objectifs de l'étude".
Le HCB se montre toutefois conscient des craintes liées aux OGM et que l'étude a ravivées. Il recommande donc qu'une "étude de long terme, indépendante et contradictoire soit entreprise sous l'égide des pouvoirs publics quant à la sécurité sanitaire du maïs NK603." Le Pr Séralini doit en faire partie, juge le HCB. "L'objectif est de rassurer l'opinion publique qui ne sait plus qui et quoi croire", a commenté Christine Noiville, la présidente du comité économique éthique et social (Cees) du HCB.
• Ce que dit l'agence de sécurité sanitaire (Anses)
Comme le HCB, elle rejette les conclusions du Pr Séralini et demande aussi de nouvelles études. Elle souligne en effet "le nombre limité de publications traitant des effets potentiels à long terme d'une consommation d'OGM associés à des pesticides".
• Ce que répond le Pr Séralini
Le scientifique s'est réjoui qu'une nouvelle étude soit recommandée. Mais d'ici à sa réalisation, il demande l'interdiction du maïs NK603. "Aujourd'hui, l'enjeu est un enjeu de santé publique. Une étude de deux ans, ça prend quatre ans à mettre en place et à analyser, et pendant ces quatre ans, qui va encore être malade ou mourir à cause de ces produits mal évalués ?", a-t-il alerté. Quant au rejet des conclusions de son étude par le HCB, le Pr Séralini a répliqué que cette institution était "juge et partie" sur la question des OGM." Ils travaillent avec les gens qui ont permis de valider ces produits", a-t-il affirmé.
• La réaction du gouvernement
L'étude du Pr Séralini "n'est pas de nature à remettre en cause les précédentes évaluations", a réagi le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll dans un communiqué. Le gouvernement souhaite cependant une "remise à plat du dispositif européen d'évaluation, d'autorisation et de contrôle des OGM et des pesticides", a-t-il annoncé.
Pour la ministre de l'Ecologie Delphine Batho, même si l'étude du Pr Séralini n'était "pas conclusive" et "est controversée", elle "a au moins un mérite : elle a mis en avant la nécessité de bouger". Il faut à l'avenir "des études à long terme, des études qui portent sur les effets cumulés des OGM et des pesticides qui les accompagnent et revoir la procédure d'évaluation", a-t-elle conclu.
• La satisfaction des semenciers
Sans surprise, les industriels des semences affirment avoir accueilli ces avis avec "une certaine sérénité". Ils estiment qu'une nouvelle étude "ne va rien apporter". "Il y a eu plus de 50.000 études au niveau mondial publiées dans des revues scientifiques. Ma crainte, si on suit le HCB, c'est que le consommateur se dise : il y a un risque", poursuit Delphine Guey, responsable du dossier OGM au Groupement National Interprofessionnel des Semences (Gnis).
• Les précédents avis
Avant les deux avis rendus lundi, l'expérience menée par le Pr Séralini avait suscité de nombreuses critiques d'autorités scientifiques, notamment sur sa méthodologie. Ainsi, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a jugé la "qualité scientifique insuffisante". "La conception, le système de rapport des données et l'analyse de l'étude, tels que présentés dans le document, sont inadéquats", estime l'autorité. "Aucune conclusion ne peut être tirée au sujet de l'occurrence des tumeurs chez les rats testés", conclut-elle, demandant des informations supplémentaires au Pr Séralini. Lequel a refusé, dernier, retournant les critiques contre l'EFSA elle-même : "Nous attendons qu'ils fournissent ceux (les éléments) qui ont permis d'autoriser cet OGM et ce pesticide en particulier, mais aussi les autres OGM". L'EFSA rendra son avis définif "dans les prochaines semaines".
Six Académies scientifiques françaises sont également montées au créneau. Dans un communiqué commun, elles s'en sont pris, point par point, à l'étude du Pr Séralini qu'elles qualifient de "non-événement scientifique". Elles pointent "de nombreuses insuffisances de méthodologie et d'interprétation", notamment le nombre réduit de rats utilisés et leur souche, plus sujette à des tumeurs. Les six académies ont également critiqué la stratégie de communication du Pr Séralini, dans la presse et en concomitance avec la sortie de livres et d'un film.