La justice a ordonné mercredi l'expulsion des mal logés qui occupent depuis fin 2012 un immeuble vide du nord-est parisien, leur accordant des délais de 2 à 6 mois, ont annoncé les associations Droit au logement (DAL) et Jeudi Noir. Une soixantaine de personnes, dont 13 ménages et 27 enfants, sont installées depuis le 29 décembre 2012 dans un bâtiment de bureaux désaffectés situé au 2, rue de Valenciennes (Xe arrondissement), avec l'aide de ces associations. Saisi par les propriétaires du bâtiment, un groupe familial espagnol, le tribunal d'instance du Xe arrondissement de Paris a rendu mercredi un jugement d'expulsion mais accordé aux squatteurs des délais, de 2 mois pour certains à 6 mois pour les familles reconnues prioritaires Dalo (droit au logement opposable), a expliqué Ophélie Latil, de Jeudi Noir.
Même si certains peuvent être expulsés dans deux mois, elle juge peu vraisemblable que la police vienne "trier" ceux qui devront partir avant Noël et ceux qui resteront jusqu'à la mi-mars. "A priori, il n'y aura pas d'expulsion avant six mois", estime-t-elle. "C'est une bonne nouvelle, on passe l'hiver", a déclaré Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du Dal. "Ce jugement va mettre un peu de baume au coeur à tous ceux qui sont squatteurs par nécessité". Lors d'une audience en juin, la défense des squatteurs avait évoqué "l'état de nécessité", soulignant que toutes les familles étaient demandeuses de logement social depuis plusieurs années, et la plupart reconnues prioritaires Dalo. Certaines ont été expulsées de leur logement pour cause de suroccupation, d'autres ont été victimes de marchands de sommeil, d'autres ont connu un parcours d'errance, avec des nuits passées dans la rue, des gares ou des hôtels souvent hors de prix. Les propriétaires ont un mois pour faire appel. Leur avocat n'avait pu être joint en début d'après-midi.
"C'est une très bonne nouvelle", estime une des occupantes du squat, Salia Lacombe. "Avec la rentrée des enfants, tous scolarisés dans l'arrondissement, on avait un nœud de ne pas savoir ce qu'on allait devenir. Ma fille est partie au lycée ce matin avec la peur au ventre", ajoute cette mère de famille, qui sourit: "Ce soir, on va bien dormir".
Fatima Ben Omar, membre de Jeudi Noir et squatteuse, rappelle cependant que "ça reste une trêve. Dans six mois, on sera confronté au même problème pour trouver un logement". Cette jeune intermittente du spectacle a vécu six mois à la rue avant d'intégrer l'immeuble. Les propriétaires n'ont pas demandé d'indemnités aux occupants, mais ils attaquent en revanche en justice le Dal et deux membres de Jeudi Noir, à qui ils réclament plus d'un million d'euros, les rendant responsables du squat qui les empêche de vendre l'immeuble. Aucune date d'audience n'a encore été fixée sur ce point. Une autre procédure est en cours, depuis que la mairie de Paris a annoncé qu'elle souhaitait préempter l'immeuble- mis en vente par le propriétaire à 7,2 millions-, pour en faire des logements sociaux. La mairie lui en offre 4,3 millions d'euros, ce qu'il a refusé. L'affaire doit désormais passer devant un juge de l'expropriation.