Comment parler de développement durable sans être taxé de vouloir laver plus vert que vert ? C’est le défi que doivent relever les entreprises amenées à intégrer cette notion dans leur discours. Car parler vert n’est pas sans risque. "Les entreprises sont confrontées à un paradoxe", explique Boris Eloy, président de l’Ujjef, une association spécialisée dans la communication institutionnelle, "celui de communiquer sur le développement durable tout en prenant le risque d’être taxé de vouloir verdir leur image".
Dans la lignée du "greenwashing", comprenez le "verdissement de logo" - comme Mc Donald’s qui remplace le fond rouge de son logo par du vert, dénoncé par de nombreuses associations et ONG - le "greenspeaking" s’invite à son tour dans les entreprises. Mais lui ne concerne pas la publicité faite par les entreprises, mais la communication institutionnelle de celles-ci.
Entre communication et "greenspeaking"
Parler développement durable est une manière pour certaines sociétés de souligner des efforts réels, mais pour d’autres, il s’agit avant tout de soigner leur image de marque auprès de leurs partenaires. Difficile alors de savoir si une entreprise abuse ou non de l’argument écologique.
Des entreprises très polluantes n’hésitent pas, par exemple, à mettre en avant leurs efforts de compensation pour réduire leur impact sur l’environnement. Un effort louable, certes, mais qui fait oublier que cette pollution est inhérente à l’activité de ces entreprises.
Le paradoxe économico-écolo
Mais pour l’Ujjef, le "greenwashing" ou "greenspeaking" est surestimé. Selon une étude menée par l’association, le discours des entreprises reste avant tout centré sur l’économie plutôt que sur l’écologie. Pourquoi ? "Parce que les entreprises n’osent pas parler des paradoxes inhérents à leur activité", explique Boris Elloy. Pour le spécialiste, les entreprises ne doivent pas cacher les problèmes auxquels les confrontent le développement durable.
"Une entreprise qui veut importer des ananas cultivés à l’étranger sera confrontée au paradoxe suivant : importer engendre un transport plus important et donc plus de pollution que s’ils étaient cultivés localement, mais en même temps, se retirer de ce marché étranger engendrera l’écroulement de la production locale du pays", explique le président de l’Ujjef. Aucune de ces deux solutions ne répond entièrement aux exigences du développement durable.
Attention aux "baratineuses"
Alors que faire ? S’il n’y a pas de solution miracle à ce paradoxe, Boris Eloy et Jean Laloux du cabinet d'études et de conseil, Inférence, spécialisé dans le langage et la communication stratégique, soulignent la nécessité pour les entreprises de ne pas cacher cette contradiction lorsqu’elles communiquent.
Mais là encore il faut rester prudent. Si certaines entreprises sont véritablement soucieuses de l’environnement et intègrent cette notion dans leur stratégie de développement, d’autres sont des "baratineuses". C’est ainsi que les qualifie l’Ujjef dans son étude. Une entreprise baratineuse est une entreprise qui "parle d’autant plus volontiers du développement durable qu’elle ne le pratique pas ou peu", souligne l’association dans son étude, qui, malheureusement, ne dévoile aucun nom de mauvais élèves.