"Cette affaire est folle et j’ai l’impression qu’elle nous rend fous", lâche, jeudi à la barre, le général Philippe Rondot, au deuxième jour de son audition dans le procès Clearstream II. Au cours de l'audience, le militaire a longuement ferraillé avec Dominique de Villepin, prévenu dans cette affaire. Les deux autres hommes dans le box des accusés : Imad Lahoud et Jean-Louis Gergorin sont, eux, restés presque silencieux.
Rondot charge Villepin - Toujours aussi raide que la veille, le général Rondot, missionné en 2004 pour enquêter sur la véracité des listings Clearstream, réafirme d'abord avoir eu connaissance de leur falsification dès juillet 2004. C'est à cette période, qu'il assure également avoir averti Dominique de Villepin. Ce point est central pour l'accusation qui affirme que l'ex-ministre, alerté de la calomnie, aurait pu y mettre fin. Le 19 juillet 2004, lors d'une réunion au ministère de l'Intérieur, "j'informe Dominique de Villepin de la certitude, j'insiste sur ce mot, que nous avons de la fausseté des listings", assène ainsi le général Rondot.
Dominique de Villepin s'agace alors : "Moi, je veux bien qu'on fasse des hypothèses, tonne-t-il, mais ce n'est absolument pas ce qui est dit" dans les notes du militaire. Ces hypothèses sont "farfelues". "Je ne sais toujours pas aujourd'hui ce qu'on me reproche. Comme ministre, j'ai obéi à des principes et je n'y ai jamais dérogé !"
"Qu'a fait le ministère de la Défense"
Villepin charge MAM- Alors que le parquet accuse le ministre de l'Intérieur qu'il était en 2004 de ne pas être intervenu pour stopper cette affaire Clearstream, Dominique de Villepin, lui, martèle encore et encore que ce sont tous les services de l'Etat qui ont laissé l'affaire s'entendre, faute d'informations concrètes. "La question qui se pose est : qu'ont fait pendant cette période, le ministère de la Défense (Michèle Alliot-Marie) qui a sous ses ordres la DGSE, le ministère de l'Economie et des Finances (Nicolas Sarkozy) alors qu'une chambre de compensation est mise en cause ?. Qu'ont fait les services de la Défense pour éclairer les hautes instances de l'Etat à l'époque ?", s'interroge ainsi Dominique de Villepin, soulignant que son ministère n'était pas le seul à être au courant de l'affaire.
Et l'ex-ministre enfonce le clou : "Il est impensable que le ministre de la Défense n'ait pas rendu compte aux hautes instances de l'Etat de cette affaire. Je veux bien rendre des comptes et je suis même ravi de le faire. Mais le fonctionnement de l'Etat, ce n'est pas tout pour l'un, rien pour les autres. Ce n'est pas aléatoire. Chacun a ses responsabilités". Michèle Alliot-Marie appréciera.
"Sarkozy et son entourage"
Villepin charge Sarkozy - Lors d'une réunion en juillet 2004, le général Rondot est également sûr d'une chose : que Dominique de Villepin lui a dit : "si moi et le président de la République apparaissons, nous sautons".
Al'énoncé de cette phrase, Dominique de Villepin bondit de sa chaise : "Cette phrase évoque, pour moi, un entretien avec Nicolas Sarkozy qui m'avait assuré, à l'époque, que si moi et le président apparaissions dans cette affaire, nous allions avoir des ennuis. Lors de ce mois de juillet, il a un bruit dans Paris qui court : le président et Dominique de Villepin sont responsables. Nicolas Sarkozy et son entourage mettent la pression pour désigner d'emblée le président et moi-même comme les coupables. Cela devient pour moi une inquiétude politique et médiatique. Et le général Rondot évoque ce risque (médiatique) lors de notre entretien et oui sur le fond je suis en accord absolu avec Rondot. Il s'agit bien d'un risque d'Etat, un risque pour le président et moi", martèle Dominique de Villepin qui sur la forme met en cause la phrase de Philippe Rondot.
"La prise de notes est un exercice difficile. Il notait à la volée, sur son ventre, ça peut parfois conduire à différentes interprétations", dit-il. "Je vous dis cela avec tout le respect que je porte au talent du général Rondot". Evidemment.