Pénaliser les clients de prostituées ? La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution va dans ce sens mais dans la nuit de lundi à mardi, les sénateurs ont décidé de supprimer ce point et de rétablir le délit de racolage pour les prostituées. Au final, ce seront les députés qui auront le dernier mot sur le texte.
Mais qu'en pensent les principales concernées, c'est-à-dire les prostituées elles-mêmes ? Un reporter d'Europe1 est allé à la rencontre de prostituées chinoises du quartier de Belleville, à Paris. Longtemps silencieuses parce qu'elles ne parlent pas français, ces dernières viennent de se rassembler en association : "Les Roses d'acier".
"Les clients violents s'en fichent". A entendre Weiwei, prostituée chinoise dans le quartier de Belleville, la pénalisation des clients n'est pas une bonne idée : "on sera amenées à accepter des clients qu'avant on aurait refusé parce qu'évidemment les bons clients, les gentils, ils ne viendront plus, ils auront trop peur de prendre une amende", confie-t-elle au micro d'Europe1 entourée d'une dizaine de ses "consœurs" âgées de 35 à 50 ans. "Les clients violents, eux, ils s'en ficheront, on sera obligées de leur dire 'oui' et cela nous met en danger", ajoute-t-elle tandis qu'autour d'elle plusieurs autres prostituées hochent la tête.
"Du viol". Toutes les prostituées sont un jour tombées sur un de ces "mauvais clients", comme elles les appellent. Pour Weiwei, c'était il y a deux ans : "dès que l'on est entrés dans la chambre, il m'a sauté dessus comme un loup. Il a presque déchiré mes vêtements en me déshabillant. C'était du viol, il n'a même pas été foutu de mettre un préservatif", se souvient-elle.
La peur de l'interpellation. Au-delà de la violence, il y a aussi la peur d'une interpellation pour racolage : les prostituées étrangères ont rarement des papiers et pour elles c'est la double peine : une interpellation peut les mener tout droit en centre de rétention. Mais même en situation irrégulière, elles ne veulent pas pour autant quitter les trottoirs de Belleville, à l'instar de Jiao Peng, 41 ans, qui a laissé des dettes en Chine où ses enfants vivent toujours : "mon objectif, c'est de subvenir aux besoins de mes deux enfant, de leur permettre d'étudier, de se nourrir, de se loger en envoyant de l'argent. Même en étant ici, j'ai parfois du mal à y arriver", confie-t-elle.
L'association "Les Roses d'acier" a été reçue la semaine dernière par le cabinet de Pascale Boistard, la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, mais le gouvernement reste favorable à la pénalisation du client. Mardi matin, Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, a jugé invraisemblable et régressif" de la part des sénateurs d'avoir "renoncé à la pénalisation des clients" de prostituées. La ministre s'est aussi insurgée contre le rétablissement du délit de racolage.
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