Paul François a gagné son combat. Pour la première fois en France, le géant américain Monsanto a été jugé "responsable" de l'intoxication à l'herbicide en 2004 de agriculteur charentais, ouvrant la voie à des dommages-intérêts, lundi à Lyon.
"Monsanto est responsable du préjudice de Paul François suite à l'inhalation du produit Lasso", peut-on lire dans le jugement du Tribunal de grande instance de Lyon.
La justice a ordonné une expertise afin d'évaluer les préjudices et fixer les dommages et intérêts.
La firme a fait part de son intention de faire appel. Selon Yann Fichet, le directeur des affaires institutionnelles de Monsanto France, il "n'existe pas d'éléments scientifiques suffisants qui démontrent le lien de causalité entre une éventuelle intoxication au chlorobenzène et les problèmes de santé de M. François".
Victime du Lasso de Monsanto
Paul François a failli mourir en 2004 après avoir inhalé du Lasso,un pesticide fabriqué par Monsanto, en nettoyant le fond d'une cuve. Ce céréalier de 47 ans a alors subi une intoxication aiguë qui l’a rendu invalide à 50% en raison d'une maladie neurologique qui provoque notamment fatigue et fortes douleurs.
Cet agriculteur a remporté une première victoire lors que sa maladie a été reconnue maladie professionnelle par la Sécurité sociale, ce qui est extrêmement rare mais s’explique par le fait que ce pesticide a depuis été interdit.
"Une partie de la population agricole va être sacrifiée"
Aujourd'hui, il demande donc réparation à Monsanto, avec l’espoir que sa démarche serve à d’autres agriculteurs. "Moi je suis vivant aujourd'hui mais il y a, qui va en crever", argumente Paul François.
"Nous n'avions pas idée que l'accumulation de ces produits allait avoir des effets 20, 30 ans après. Dans cette génération qui a commencé à travailler avec des pesticides dans les années 80, beaucoup sont en train de souffrir dans leur coin", assure-t-il.
Monsanto renvoie la balle vers les autorités sanitaires
Côté Monsanto, on rappelle que les pesticides sont nécessaires à l’agriculture et ont permis d’augmenter les rendements. Et l’Union de l'Industrie de Protection des Plantes (UIPP) souligne que le Lasso avait bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par le ministère de l'Agriculture.
"Je pense que si on avait un problème fort sur la santé avec les pesticides on l'aurait déjà vu", argumente Jean-Marie Bocquet, directeur général de l'UIPP, précisant que 75% environ des substances, parmi les plus toxiques, ont été retirées en application de la réglementation européenne.
Favoriser la prise de conscience
Le céréalier Paul François n’est pas du même avis et a créé en 2011 Phyto'Victimes qui aide les agriculteurs à faire reconnaître leur pathologie comme une maladie professionnelle et revendique déjà une centaine de dossiers. De plus en plus d'agriculteurs brisent d’ailleurs l'omerta sur les pesticides, notamment dans les régions viticoles qui sont celles qui utilisent le plus de produits dangereux
Dans la région de Cognac, c’est le cas de Jacky Ferrand, un viticulteur qui a perdu son fils Frédéric, emporté par un cancer de la vessie fin 2011. "Les médecins nous ont dit : ‘tous ceux qu’on a rencontré, ça ne peut être qu’une maladie professionnelle et ça c’est la maladie des viticulteurs", témoigne-t-il sur Europe 1.
Preuve que les pesticides sont bien une source de préoccupation, l'agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses) a décidé de s'autosaisir pour mener une enquête globale sur la santé des agriculteurs, dont les conclusions sont attendues d'ici 2013.