Il fait froid en ce vendredi 23 janvier. Il est 18h30 et le vent s’engouffre Place de la République, à Paris. Certains se pressent pour rentrer à la maison mais d’autres, nombreux, marquent un temps d’arrêt en bas de la célèbre statue. Devenue un véritable mausolée, celle-ci voit défiler les passants venus se recueillir.
Bougies, dessins, crayons, graffitis… Les objets qui symbolisent la mort des victimes des attentats parisiens sont innombrables. Mais exposés aux intempéries et aux éboueurs, ces objets étaient voués à disparaître. C’était sans compter sur un petit groupe d’irréductibles qui s’est mis en tête de les sauver.
>> A VOIR - Charlie Hebdo : après l'horreur, place à la solidarité
“C’est leur moment de gloire”. Devant la bouche de métro, se tient rassemblée une poignée de personnes. Il y a Rémi, un sac de fourniture à la main, Patrice, quelques autres et surtout Sabrina. Bonnet de fourrure blanc vissé sur la tête et téléphone à la main, la chef de file du collectif “17 plus jamais”, en référence aux 17 victimes des attentats, est énervée. Les lycéens bordelais, partis le 13 décembre rallier à pied le siège de Charlie Hebdo, sont arrivés en fin d’après-midi. Or, ces derniers qui stationnent sur la Place de la République, refusent de se rallier au collectif. “On aurait voulu être ensemble, leur accrocher notre symbole, une épingle avec des boutons mais ils ne veulent pas être récupérés”, s’exaspère-t-elle. “Tan pis, c’est leur moment de gloire, on ne dira rien”.
>> LIRE AUSSI - Des lycéens marchent pour Charlie Hebdo
“Merci pour ce que vous faites”. Soudain, une petite dame s’approche du collectif. “Excusez-moi, vous êtes le collectif “17 plus jamais” ? “ Sabrina retrouve le sourire : “oui, oui, c’est nous”. “Je voulais vous remercier pour ce que vous faites”, poursuit la passante. Sabrina en profite et lui demande de les rejoindre : “on a besoin de vous”. La petite dame promet de revenir et de les aider. Regonflé à bloc par cette visite impromptue, le collectif se met au travail.
“On s’est rendu compte que ça ne tenait qu’à un fil”. Les balais cachés derrière le lion de la statue, sont extraits et passent de main en main. Les sacs poubelles destinés à collecter les objets et bouquets de fleurs très abîmés sont aussi de sortie. Les briquets pour rallumer les bougies sont distribués. Les appareils photos mitraillent tout ce qui n’a pas encore été numérisé. Les photos seront ajoutées à la page Facebook du collectif qui revendique plus de 6.300 likes. Gilles, 20 ans, cuisiner et serveur le jour, vient tous les soirs de la semaine : “c’est mon petit rituel. Je rallume les bougies, en mémoire des victimes mais aussi de la liberté d’expression”. “On s’est rendu compte que ça ne tenait qu’à un fil”, ajoute-t-il, l’air grave. Rémy, 31 ans, bras droit de Sabrina, ajoute : “on veut entretenir ce monument et ce symbole”.
“Je me sentais bien seule derrière mon écran de télévision”. Sabrina, 34 ans, travaille dans la finance. Elle raconte à Europe 1 comment lui est venue l’idée de créer ce collectif : “j’étais très émue et touchée par les hommages qui ont été rendus aux victimes. Je voulais faire quelque chose de plus que de rallumer des bougies ou déposer un bouquet de fleurs”. Avouant s’être “sentie bien seule derrière son écran de télévision”, elle décide de créer ce collectif avec son ami Rémy. “J’ai lu des messages formidables et je me suis dit que tout le monde devait les lire”, explique-t-elle.
Et après ? Si la voirie leur a gentiment donné des sacs poubelles au début, un accord tacite s’est au fil du temps dessiné entre la Mairie et le collectif. Le collectif nettoie tous les soirs et les éboueurs laissent faire. Néanmoins, le collectif a demandé une audience avec Anne Hidalgo, la maire de Paris. Ils souhaiteraient obtenir notamment une salle afin de pouvoir se réunir. Sabrina est consciente qu’il sera difficile de maintenir le monument en l’état mais la jeune femme ne se décourage pas : “j’aimerais que ça reste en l’état des années et des années. Ca perdurera si chacun de vous, chacun de nous, vient l’entretenir”. “Si on le laisse à l’abandon, ça ne sert à rien”, conclut-elle.
>> Regardez le reportage réalisé par Europe 1 :
Place de la République : "On veut entretenir ce...par Europe1fr