L'AVIS. Un vice-procureur et un juge assesseur ont-ils le droit de twitter pendant un procès ? Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) se prononçait mardi et mercredi sur le cas du magistrat du parquet et a rendu sa décision sur celui du siège mercredi. Le CSM a préconisé, concernant le premier, sa mutation d'office. C'est la Garde des Sceaux, Christiane Taubira qui décidera in fine de la sanction contre le vice-procureur. L’assesseur a pour sa part reçu un blâme.
L'affaire. Fin 2012, le vice-procureur de Mont-de-Marsan et un assesseur avaient échangé plusieurs messages sur Twitter concernant l'audience de cour d'assises à laquelle ils participaient tous les deux. "Question de jurisprudence : un assesseur exaspéré qui étrangle sa présidente, ça vaut combien?" avait commencé l'assesseur. "Je te renvoie l'ascenseur en cas de meurtre de la directrice du greffe", lui avait ensuite répondu le vice-procureur. "On a le droit de gifler un témoin?" avait-il poursuivi, puis: "Bon, ça y est, j'ai fait pleurer le témoin... #Oranginarouge".
Le procureur a "manqué à son devoir d'impartialité". Une enquête avait été ouverte par l'Inspection générale des services judiciaires. Le parquetier, qui a admis avoir twitté, a assuré ne pas avoir eu conscience de la portée de ses messages. Pour lui, ces tweets constituaient "une sorte d'exutoire" face à "toutes les tensions qu'il peut y avoir à ces audiences".
Mais pour le CSM, le magistrat a "manqué à son devoir d'impartialité et porté ainsi atteinte à la confiance que les justiciables doivent pouvoir accorder aux décisions de justice", "manqué à son obligation de dignité mais également à son devoir de délicatesse à l'égard des personnes visées dans ces messages". Le CSM dénonce également le "cynisme" et la "désinvolture" du magistrat. "Le prétendu anonymat qu'apporteraient certains réseaux sociaux ne saurait affranchir le magistrat des devoir de son état, en particulier de son obligation de réserve, gage pour les justiciables de son impartialité et de sa neutralité (...). L'usage des réseaux sociaux pendant ou à l'occasion d'une audience est à l'évidence incompatible avec les devoirs de l'état de magistrat", écrit le CSM.
L'assesseur a manqué "aux devoirs de dignité et de délicatesse" . Dans le cas de l'assesseur, le CSM a retenu plusieurs circonstances atténuantes. Il a notamment relevé que l'enquête n'avait pas établi que le magistrat avait twitté en audience ni qu'il avait eu connaissance des messages de mise en garde adressés à l'avocat général par deux abonnés à son compte. Pour autant, le CSM a estimé que, par ses messages, l'assesseur s'était rendu coupable d'"un manquement aux devoirs de dignité et de délicatesse".
"Il a, ce faisant, porté atteinte à la confiance que les justiciables doivent pouvoir accorder aux décisions de justice, conduisant le ministère à interjeter appel (du verdict du procès d'assises) et imposant ainsi le déroulement d'un nouveau procès avec toutes les conséquences afférentes", selon la décision rendue mercredi. "L'utilisation que (le magistrat) a faite d'un réseau social, incompatible avec les devoirs et les obligations de l'état de magistrat, constitue une faute disciplinaire", ont considéré les membres de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège. En effet, si dans le cas des magistrats du parquet, c'est le garde des Sceaux qui prononce éventuellement une sanction après avis du CSM, la décision revient au Conseil pour les magistrats du siège.
L'AFFAIRE - Twitter : des magistrats #censurés