Des voitures calcinées, des magasins saccagés et une odeur de gaz lacrymogène dans l’air : le quartier du Chaudron, à Saint-Denis de La Réunion, s’est à nouveau réveillé jeudi dans une ambiance de chaos. Pendant la nuit, de nouveaux affrontements ont opposé des groupes de jeunes aux forces de l’ordre, et les tensions, qui touchent aussi la ville du Port, ont gagné Saint-Benoît, à l’est de l’île. Europe1.fr fait le point sur la situation.
Que s’est-il passé ? Dans la nuit de mardi à mercredi, des émeutes ont éclaté au Chaudron, un "quartier chaud" de Saint-Denis, et dans la commune du Port, à l’ouest du département, a expliqué à Europe1.fr Yves Mont-Rouge rédacteur en chef du Journal de l’île de La Réunion et du site Clicanoo, décrivant des jeunes qui "jouent au chat et à la souris avec la police". Les violences ont repris mercredi soir, touchant cette fois également la ville de Saint-Benoît, dans l’est de l’île.
"Ça a caillassé pas mal, avec des dégâts assez considérables et un préjudice important pour les commerçants", raconte le journaliste. Les heurts ont fait au total quatre blessés et 31 personnes ont été interpellées. Une commerçant du quartier du Chaudron a raconté à Europe 1 comment son magasin d'informatique avait été attaqué, pour la deuxième nuit consécutive. Après s'être emparés des marchandises, "ils ont cassé tous les locaux, il n'y a plus rien, c'est dévasté", a-t-elle déploré.
Qui sont les émeutiers ? "Ce sont des jeunes, des groupes isolés, des casseurs", décrit Yves Mont-Rouge. Il relativise : "il y a 200 casseurs au Chaudron, pareil au Port, une centaine dans l’est de l’île", un chiffre à rapporter aux plus de 800.000 habitants que compte La Réunion.
Quel a été l'événement déclencheur ? Tout est parti d’un mouvement de protestation contre la hausse des prix du carburant sur lequel d’autres revendications sont venues se greffer. Mardi, "un protocole d’accord a été trouvé, une réunion est prévue vendredi sur les prix des carburant et sur certains produits de nécessité", précise Yves Mont-Rouge. Mais quand les routiers ont levé les barrages qu’ils avaient installés sur les routes, certains ont protesté et "le soir, ça a commencé à casser".
Quelles sont les causes de ces émeutes ? "C’est du pur vandalisme. Ça n’a rien à voir avec le malaise de la population sur la vie chère", dénonce le sous-préfet de Saint-Benoît, Serge Bideau. Yves Mont-Rouge a un regard plus nuancé. Certes, les casseurs sont "déconnectés des vraies revendications sociales". Mais, souligne-t-il, ces jeunes "sont dans une situation de désespérance sociale, ils n’ont pas de travail".
La Réunion, comme la métropole, est touchée par la crise, "sauf qu’ici, près de 35% de la population est au chômage et il y a 60% de jeunes qui ne travaillent pas. La situation sociale elle-même est explosive". Et le problème de la vie chère, à l’origine du vaste mouvement de protestation en 2009, n’a jamais eu de "réponse concrète" : "depuis 2009, ça n’a pas vraiment bougé", estime Yves Mont-Rouge.
Les violences risquent-elles de continuer ? Pour Yves Mont-Rouge, pas de doute, "ça va continuer encore ce soir", mais il ne craint pas un "embrasement total". Un escadron de gendarmes mobiles est attendu sur l’île jeudi. Gilbert Annette, maire PS de Saint-Denis, a lancé un appel au calme. "La situation va empirer à La Réunion si aucune solution n’est apportée au problème du chômage des jeunes et du pouvoir d’achat des populations défavorisées", prévient l’élu. Yves Mont-Rouge, lui, attend la "réunion-vérité" prévue vendredi et affirme que "la balle est aujourd’hui dans le camp de l’Etat".