L'application Dubsmash a eu un succès fulgurant et sa chute pourrait l'être tout autant. Cette application, qui propose de courts extraits sonores sur lesquels on peut se filmer en play-back, ne respecte pas les principes du droit d'auteur. Youtube a d'ores et déjà supprimé de sa plateforme le compte Dubsmash Compilations, un compte recensant les vidéos les plus célèbres tournées par les internautes. Europe 1 vous explique pourquoi cette application téléchargée plus d'un million de fois en 48 heures pourrait s'arrêter.
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Des contenus sur lesquels elle n'a pas les droits. D'abord, le fonctionnement même de Dubsmash pose problème. L'application reprend en effet des répliques cultes (cinéma, humour, chanson) et propose aux internautes de se filmer dessus. Sauf que Dubsmash n'a pas les droits pour le faire. C'est-à-dire que les trois fondateurs allemands de cette application n'ont pas demandé l'autorisation aux ayant-droits d'exploiter leurs sons.
"L'application met à disposition des contenus pour lesquels elle n'a, à priori, pas les droits. Ni les droits d'auteur - propriétaire du fond, notamment du dialogue, en tant que création originale. Ni ceux du producteur - propriétaire de la forme, c'est-à-dire l'enregistrement", détaille ainsi Jean-Marie Guilloux, spécialiste du droit relatif à l'entertainment, interrogé par Le NouvelObs.
"Il est prévu par la loi que l’autorisation de l’artiste est requise avant toute utilisation de son interprétation. Avec Dubsmash on reprend une interprétation d’un artiste pour l’utiliser dans un contexte où c’est l’image de l’utilisateur de l’application qui apparaît. Il s’agit donc d’une utilisation sans autorisation de l’artiste", abonde l’avocat à la Cour Antoine Gitton, spécialisé dans le droit d’auteur, contacté par Les Inrocks.
L'excuse de la courte citation pas recevable. Face à ces griefs, les trois fondateurs de l'application répondent qu'ils sont protégés par le fait d'utiliser des "citations courtes", que ne constituent donc pas des "pillages d'œuvres". Un argument retoqué par les spécialistes du droit d'auteur, selon qui l'utilisation de courtes citations est justifiable si elles s'inscrivent dans un projet plus global.
"La courte citation n’est justifiée que pour autant qu’elle soit justifiée par une œuvre conséquente, une réalisation. Vous écrivez un livre, vous composez un morceau de musique, vous aurez la possibilité de bénéficier de l’exception de courte citation parce que la réalisation que vous faite justifie cette citation. Pour une utilisation strictement amusante, ludique, ou qui n’a pas pour but de créer quelque chose, vous n’avez pas le droit à cette courte citation", explique encore Me Antoine Gitton.
Les utilisateurs aussi sanctionnés. Autre bémol : les utilisateurs de l'appli pourraient eux aussi être poursuivis. Dubsmash propose en effet de récupérer soi-même des extraits sonores, pris n'importe où sur le Web. Si vos contenus "faits maison" sont partagés publiquement, vous pouvez potentiellement être poursuivi. Toutefois, c'est peu probable, étant donné le manque d'informations proposées par cette application.
"L'application incite les internautes à aller chercher du contenu sans préciser qu'ils feraient mieux de ne prendre que des contenus non protégés ou autorisés. Elle laisse ainsi les internautes prendre leurs responsabilités. Ils peuvent être sanctionnés au même titre qu'un internaute qui poste sans autorisation une émission ou un film sur Youtube et Dailymotion. Mais la responsabilité de l'application est à mon sens engagée également", résume ainsi Jean-Marie Guilloux, spécialiste du droit relatif à l'entertainment.
YouTube prend les devants. YouTube a d'ailleurs pris les devants en supprimant mardi la chaîne Dubsmash Compilations. "Des cas graves ou répétés de non-respect du règlement de la communauté et/ou pour atteinte aux droits d'auteur", peut-on lire sur la page YouTube du compte supprimé. Il est donc fort probable que des ayant-droits aient réclamé la suppression de cette chaîne. Des demandes qui risquent de se multiplier au vu de l'ampleur du phénomène.