Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise une durée idéale d’allaitement exclusif de six mois, un peu moins du quart des nourrissons français âgés de six mois sont encore nourris au sein, contre 33% aux Pays-Bas et 82% en Norvège selon une récente étude. Pourquoi les Françaises allaitent peu ? Et doit-on s’en inquiéter ? Europe 1 a interrogé Catherine Salinier, pédiatre à la maternité de Bagatelle à Bordeaux et membre de l’association française de pédiatrie ambulatoire qui gère un site internet de conseils aux parents.
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Pourquoi les Françaises allaitent moins que les autres européennes ?
"On dit que c’est parce que la France a un passé féministe important avec, notamment, Simone de Beauvoir. Mais il y a d’autres explications plus plausibles. Dans notre pays, la femme travaille plus qu’ailleurs. Parce qu’il y a un réseau de crèches important mais aussi par tradition. L’image de la femme qui reste à la maison est vue chez nous comme dévalorisante. C’est tout le paradoxe français, on a le meilleur taux de natalité européen mais peu de choses sont faites pour valoriser les allocations versées lors des congés parentaux.
Donc, le travail des femmes est la cause du faible allaitement en France ?
"Il ne faut pas opposer travail et allaitement. Les Françaises arrêtent souvent l’allaitement alors qu’elles n’ont pas repris d’activité. La raison, c’est que peu de choses sont faites pour les accompagner dans cette démarche. Les médecins ne sont pas du tout formés à ça et les sages-femmes le sont peu. Une fois rendue chez elle, la femme qui a commencé à allaiter va arrêter à la moindre difficulté (crevasse, engorgement) parce qu’elle ne saura pas où trouver des conseils. Et ce n’est pas leurs propres mères qui vont les aider car dans les années 70 et 80, on donnait majoritairement le biberon".
Doit-on s’inquiéter de la faible durée de l’allaitement en France ?
"Inquiétude n’est pas le mot. Quand on dit que l’allaitement est mieux, ça ne veut pas dire que le biberon est mal. Mais il faut le dire, le lait maternel reste ce qu’il y a de mieux pour un nourrisson. Avec l’allaitement, la mère va donner à son enfant des anticorps. De nombreuses études montrent que grâce à ça, le nourrisson va développer moins d’infections et d’allergies. Ce qui veut dire moins de frais pour notre système de santé sans parler de l’argument économique pour les familles. L’allaitement, ça ne coûte rien.
Mais attention, il ne faut pas non plus penser que nourrir au biberon, c’est forcément courir le risque d’avoir un enfant en mauvaise santé. Le lait maternel, c’est cependant un gain en plus et des risques en moins".
L’allaitement est freinée en France pour des raisons culturelles, que faire pour relancer sa pratique ?
"Il s’agit juste de mieux accompagner les parents, de les informer. Il y a 30 ans, quand on demandait à une femme pourquoi elle voulait allaiter, elle répondait simplement : "parce que". C’était une envie naturelle, comme ça, qui ne s’expliquait pas.On devrait plus écouter les parents et mettre de côté les discours scientifiques. Est-ce que la mère apprécie ? Est-elle motivée ? A-t-elle le temps pour ça ? Ou alors est-ce une corvée ? Est-ce qu’elle ne le sent pas ? Il faut que les choses se fassent de manière plus naturelle, plus simple en individualisant l'accompagnement.
Et puis, si l’OMS préconise une durée de 6 mois d’allaitement exclusif, en réalité, le maximum de bénéfices est atteint au 4e mois. Enfin, allaiter un peu vaut mieux que pas du tout, donc, inutile de culpabiliser si l’allaitement est arrêté au bout d’un mois. Le principal est de tout faire pour qu'il soit le plus long possible pour le bien du bébé et la sérénité des parents".
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