D'année en année, les rapports sur les centres de détention français révèlent des dysfonctionnements graves. Le rapport annuel du contrôleur général des lieux de privation de liberté, remis mercredi, ne fait pas exception à la règle. Surpopulation, droits des détenus bafoués, fouilles humiliantes, les problèmes sont nombreux.
En 300 pages, le rapporteur Jean-Marie Delarue dresse un tableau inquiétant des 150 établissements qu'il a visités en 2011. Europe1.fr liste les principales difficultés.
La surpopulation. La situation ne s'améliore pas et on atteint même un nouveau record : près de 66.000 détenus pour 57.000 places. Jean-Marie Delarue relève que 2011 a ainsi vu "un retour en maisons d'arrêt de phénomènes de surpopulation importants (...) qui se traduisent par une montée inévitable des tensions et des violences en détention".
Le rapporteur déplore en outre que "la capacité moyenne des établissements, déjà trop élevée, ait été accrue lors des ultimes ajustements" du projet de loi prévoyant 24.000 places de prison supplémentaires d'ici 2017.
Il juge "beaucoup plus positives en la matière des alternatives telles que celle conçue par l'association Les Prisons du Coeur", celle de l'ex-détenu Pierre Botton, qui a imaginé une prison de 120 détenus maximum.
La difficulté à maintenir un lien avec l'extérieur. Pour les personnes privées de liberté, les rapports avec le monde extérieur sont primordiaux. Sauf qu'ils sont difficiles à maintenir, ne serait-ce qu'à cause du fonctionnement des prisons lui-même. Comme le résume Jean-Marie Delarue à propos du téléphone par exemple, "on a cru résoudre un problème et on a créé de nouvelles difficultés".
"On enferme les détenus à partir de 17h30 dans toutes les maisons d'arrêt de France. Si votre femme rentre de son travail à 18h00, quand est-ce que vous allez pouvoir l'avoir au téléphone ? Si vous avez un parent à l'étranger, qu'est-ce que vous faites avec le décalage horaire ?", s'interroge sur Europe 1 le rapporteur.
La dangerosité. Jean-Marie Delarue souligne qu'après la punition et la réinsertion, une nouvelle mission a été assignée aux prisons : la prévention de la dangerosité, dans le but de protéger la société. Un concept "qui se cherche depuis les années 90" mais qui est formalisé par la loi sur la prévention de la récidive de 2005. Cela "revient à identifier chez une personne la menace qu'elle fait courir à la société", s'inquiète Jean-Marie Delarue.
Les humiliations. Le rapporteur se penche en particulier sur les fouilles "à corps", fréquentes en prison. Pour ce type de fouille, "pas de demi-mesure... il faut - en principe - non seulement se mettre à nu mais écarter bras et jambes, tousser et parfois aussi s'accroupir et se pencher", explique-t-il.
Une pratique normalement régie par la loi pénitentiaire de 2009. Mais la circulaire qui en a résulté est "éloignée de l'esprit" qui a présidé à sa rédaction et, "de fait (...) il n'a été constaté aucune évolution". Résultat : "une humiliation pour celui qui en est l'objet et constitue une gêne importante pour celui qui en est chargé".
Le droit du travail bafoué. En France, les détenus ont la possibilité de travailler pendant leur peine. En 2010, 17.497 personnes ont ainsi été rémunérées au titre d'un travail en détention, soit 27,7% de la population carcérale.
Un droit "primordial", estime Jean-Marie Delarue, en ceci qu'il "amorce une démarche de réinsertion et contribue à éviter la récidive". Sauf que les détenus ne bénéficient pas de contrat de travail ni des droits qui y sont attachés. Le salaire minimum "constitue au mieux le plus souvent un maximum", relève le rapporteur.