Les trois prévenus entendus mardi ont défendu leur emploi ou celui de leur collaborateur.
Le hasard du calendrier avait mal fait les choses mardi au procès Chirac. Du moins en ce qui concerne la défense de Jean de Gaulle. Accusé d’avoir profité des bons offices de deux collaborateurs rémunérés par la mairie de Paris dans le cadre de son mandat de député RPR de paris, le petit-fils du général de Gaulle a assuré avoir rempli une mission de conseiller aux affaires africaines auprès de Jacques Chirac, alors maire de la capitale. Deux jours après les révélations fracassantes de Robert Bourgi sur de présumées pratiques occultes de l’ancien président de la République, l’argument, même s’il ne date pas d’hier, a eu une étrange résonance.
Et même si les fameuses révélations n’ont pas été évoquées, des bruissements dans la salle d’audience indiquaient clairement qu’elles étaient dans toutes les têtes. Notamment quand Jean de Gaulle a affirmé que Jacques Chirac accordait "beaucoup d’importance" à la question africaine. "Il m’a dit : ‘je mettrais à disposition tous les moyens nécessaires pour effectuer cette mission’." Parmi ces moyens figurait donc notamment, à entendre le petit-fils du général de Gaulle, l’emploi d’Anne Morel Maroger, payée à mi-temps par la Ville de Paris pour l’aider dans sa tâche.
Chirac sur Debré : "je voudrais l’aider…"
Comment expliquer dès lors que Michel Roussin, directeur du cabinet de jacques Chirac au moment de l’embauche de son co-prévenu, a affirmé aux enquêteurs qu’il ne connaissait pas cette mission africaine. "Quand je suis interrogé par le magistrat instructeur, je réponds que M. de Gaulle n’a pas cette attribution. Mais c’est parce qu’il n’y avait pas d’arrêt de nomination", a expliqué, un brin embarrassé, Michel Roussin à la barre. "Mais Jean de Gaulle a effectivement des connexions africaines. Et comme il l’a dit lui-même, son nom en Afrique signifie quelque chose".
Après l’Afrique, l’Asie. François Debré, accusé d’avoir un emploi fictif de 1993 à 1998, a été le suivant à la barre. Le fils de l’ancien Premier ministre Michel Debré a prétendu avoir été chargé d’une mission sur la communauté asiatique de Paris. Sauf que son processus d’embauche a été, ont reconnu les acteurs du procès, pour le moins inhabituel. "M. Chirac m’a demandé de recevoir François Debré : ‘il traverse une période difficile, je voudrais l’aider, voyez ce qu’il peut nous apporter’, m’a-t-il demandé", a raconté Rémy Cardon, ex-directeur de cabinet du maire de Paris d’alors. Il se trouve qu’il avait les compétences pour remplir une mission sur les communautés asiatiques de Paris, un dossier en jachère", a-t-il expliqué.
"Tous les contrats étaient flous"
François Debré, ex-grand reporter qui a couvert notamment la chute de Saigon et signé articles et ouvrages sur le Cambodge, a confirmé cette version. "Je cherchais un emploi", a admis le frère de Jean-Louis Debré, grand ami de Jacques Chirac. "Il y a eu de la part de M. Chirac un désir de faire un geste aimable. Mais en tenant compte de mes compétences." Et pour expliquer n’avoir rendu qu’un seul rapport, dont la police n’a trouvé aucune copie, mais dont son avocat a remis un exemplaire lors de l’audience, son avocat a énuméré ses hospitalisations, liées à une profonde dépression, mais aussi à une toxicomanie.
Enfin, François Debré a reconnu un certain "flou" dans son contrat, qui ne mentionnait pas précisément la mission pour laquelle il était embauché. "Si je peux me permettre, tous les contrats étaient flous", a alors assez maladroitement lancé Rémy Chardon, déclenchant des rires dans la salle et même chez le président du tribunal.
"Nous étions devant une tête de veau"
Des rires, il y en a eu aussi lors de l’audition de Marc Blondel. L’ancien secrétaire général de Force Ouvrière (FO), qui n’a rien perdu de sa gouaille, est accusé d’avoir profité des services d’un chauffeur-garde du corps entre octobre 1992 et décembre 1998. "Les circonstances étaient relativement simples, mon prédécesseur (André Bergeron) avait fait l'objet d'un attentat", a-t-il expliqué au tribunal. Sur ce, "je déjeune avec le maire de Paris, je lui dis qu'il faut que j'ai un garde du corps, c'est la police qui le demande, est-ce que pouvez embaucher quelqu'un et me le détacher?". L'échange a été "verbal", selon lui. "Nous étions devant une tête de veau", a-t-il simplement ajouté.
Selon Marc Blondel, il n'y avait là rien d'illégal. "Les détachements syndicaux sont nombreux". Surtout, il a réfuté toute intention malveillante. "Je n’ai pas cherché à mettre un centime dans ma poche. Je ne laisserai pas entendre que j'aie pu mettre les doigts dans la confiture", a-t-il martelé, avant de lancer : "Pour tout dire, je me demande un peu ce que je fais là."