Ils ne s’en plaindront sans doute pas. Les avocats de la défense du procès Chirac ont reçu une aide attendue mais néanmoins précieuse du ministère public mardi. Dans la droite ligne de son attitude depuis le début de l’affaire, illustrée notamment par une quasi-absence des débats tout au long du procès, le parquet a versé dans le contre-emploi mardi au tribunal correctionnel de Paris. Les deux représentants de l’accusation ont en effet requis "la relaxe de l’ensemble des prévenus" dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris.
"Il n’y a pas de système frauduleux, encore moins mafieux", a lancé d’emblée Chantal de Leiris, l’une des deux représentantes de l’accusation. La magistrate avait la tâche de démontrer que les procédures d’embauche interdisaient toute fraude, évoquant "des garde-fous". "Il y avait une chaîne de décision, avec des garanties contre l'arbitraire. Nous sommes loin de l'entresoi feutré, facilitateur de toutes les exactions et dérives personnelles colportées par les accusateurs", a-t-elle jugé, dénonçant "les affirmations péremptoires de l’ordonnance de renvoi."
"Un manque de rigueur administrative"
En guise de conclusion à sa démonstration, la vice-procureure a affirmé que Michel Roussin et Rémy Chardon, anciens directeurs du cabinet de Jacques Chirac à l’époque des faits, et prévenus à ce titre en tant que signataires des contrats litigieux, n’étaient qu’"un maillon de la chaîne de recrutement". Et qu’ils ne pouvaient donc pas être "retenus au titre de complicité", leur "signature étant seulement un acte formel." La seule faute, la magistrate l’a imputée "au manque de rigueur administrative" qui présidait à la procédure de recrutement.
Son collègue Michel Maes a pris le relais, avec la ferme intention de démontrer que les 28 contrats litigieux avaient bel et bien profité à la mairie de Paris et donc aux Parisiens. Le magistrat a parfois déclenché quelques rires sceptiques de la part de l’auditoire. Ainsi quand il a affirmé que l’emploi de Jean-Marie Roche, l’un des cinq membres de la cellule corrézienne, qui étaient payés par Paris, mais basés dans le fief de Jacques Chirac, relevait "du télétravail, comme on dit maintenant.
"Les éléments manquent pour caractériser une infraction"
Quant à la cellule Jean-Pierre Denis, qui selon les accusateurs, n’oeuvrait que pour l’association Réussir l’an 2000, dont l’objet était l’élection de Jacques Chirac en 1995, "c'est l'implantation au même endroit, au 174, boulevard Saint-Germain", qui a amené les mauvaises langues à "un amalgame tentant". "Pourtant, il n'y a pas vraiment d'unité de temps ou de lieu pour l'ensemble des intervenants", a argumenté le vice-procureur Maes en détaillant les cinq contrats concernés.
Le cas François Debré avait lui était évoqué par sa collègue Chantal de Leris. "Il ne s’agit pas d’un emploi de complaisance", a-t-elle asséné. "Il y avait une problématique dans l'appréhension des communautés étrangères de Paris. Compte tenu de ses études en langues orientales, de ses écrits, de ses activités professionnelles, il était à même de remplir cette mission. Certes, le rapport qu'il a rédigé n'a pas été retrouvé à la mairie de Paris. Mais on ne peut pas tout archiver", a-t-elle avancé, déclenchant elle aussi son lot de rires.
Bref, a conclu Michel Maes au terme de plus de 2h30 de réquisitoire, "les éléments manquent pour caractériser tant l'aspect intentionnel que matériel d'une infraction, c'est pourquoi je requiers la relaxe des dix prévenus". Le magistrat a cependant admis qu'on pouvait éventuellement "relever une infraction" dans le cas du chauffeur/garde du corps octroyé par Jacques Chirac à Marc Blondel, ancien secrétaire général de Force Ouvrière. "Si vous deviez considérer que le délit est constitué, vous prononceriez une dispense de peine", a-t-il demandé au tribunal.
"La maladie de la justice française"
Jérôme Karsenti, l’avocat d’Anticor, la partie civile la plus présente au cours du procès, en l’absence de la victime principale, qui s’est désisté après un accord financier avec Jacques Chirac, cachait mal son courroux après cette annonce. "Ce réquisitoire caricatural, à la limite du ridicule, démontre la maladie de la justice française", a lancé l’avocat dans la salle des pas-perdus. "On voit bien l'asservissement, je pèse mes mots, au pouvoir politique. Nous avons bien fait de venir, nous avons bien fait notre travail, contrairement au parquet. Ce procès pose vraiment le problème de l'indépendance de la justice"
Désormais, les représentants des 10 prévenus, confortés par le parquet, sont dans un fauteuil pour leurs plaidoiries, prévues jusqu'à vendredi.