La parallèle ne passe pas. Le 5 avril 1971, 343 femmes, emmenées par Simone de Beauvoir, publiaient dans les colonnes du Nouvel Observateur, le Manifeste des 343 salopes. Une tribune pour défendre le droit à la contraception et à l'avortement et qui marqua à jamais l'opinion française. Plus de quarante ans plus tard, un nouveau manifeste, signé cette fois par 343 hommes, voit le jour. Mais son intention est bien loin des revendications féministes de l'époque. Europe 1 vous résume l'affaire.
>> C'EST QUOI CE MANIFESTE ?
Ils revendiquent leur droit à "aller aux putes". 343 hommes, célèbres ou moins célèbres, publient un manifeste contre la proposition de loi socialiste visant à pénaliser les clients de prostituées. Initié par Frédéric Beigbeder, le texte, intitulé "Touche à ma pute", a été signé par diverses personnalités de droite comme de gauche.
Le manifeste des 343 salauds" paraîtra jeudi 7 novembre dans le prochain numéro mensuel de Causeur, alors que le texte de loi doit être débattu à l'Assemblé le 27 novembre prochain. Pour rappel, le texte de loi prévoit une amende de 1.500 euros pour les clients des prostituées. Il vise également à protéger les prostituées et à abroger le délit de racolage passif.
Qui sont les signataires ? On retrouve notamment le chroniqueur Eric Zemmour, l'humoriste Nicolas Bedos, l'époux de la désormais célèbre Frigide Barjot, Basile de Koch, le journaliste Ivan Rioufol, le comédien Philippe Caubère, l'écrivain Benoît Duteurtre, ou encore l'avocat de DSK, Me Richard Malka. Si le texte n'est pas encore publié, une ébauche circule sur Internet.
"En matière de prostitution, nous sommes croyants, pratiquants ou agnostiques", déclarent les signataires en préambule de leur manifeste. Avant de préciser un peu leur profil. "Homos ou hétéros, libertins ou monogames, fidèles ou volages, nous sommes des hommes. Cela ne fait pas de nous les frustrés, pervers ou psychopathes décrits par les partisans d'une répression déguisée en combat féministe. Qu'il nous arrive ou pas de payer pour des relations charnelles, nous ne saurions sous aucun prétexte nous passer du consentement de nos partenaires", insistent-ils.
Quel est leur message ? En substance, les signataires réclament leur droit d'avoir recours au sexe tarifé."Nous considérons que chacun a le droit de vendre librement ses charmes - et même d'aimer ça. Et nous refusons que des députés édictent des normes sur nos désirs et nos plaisirs. Nous aimons la liberté, la littérature et l’intimité. Et quand l’Etat s’occupe de nos fesses, elles sont toutes les trois en danger", argumente le texte.
La directrice de la rédaction du mensuel Causeur, Élisabeth Lévy, explique dans un communiqué avoir "décidé de batailler par l'humour pour cette cause sérieuse". "Nous ne défendons pas la prostitution, nous défendons la liberté. Et quand le Parlement se mêle d'édicter des normes sur la sexualité, notre liberté à tous est menacée", déclare-t-elle.
>> QUELLES SONT LES RÉACTIONS ?
"Une cause machiste perdue". Avant même d'être publié, la manifeste fait déjà réagir. Associations féministes et membres du gouvernement sont en effet montés au créneau mercredi. En réponse à cette pétition, le collectif Zéromacho, qui revendique 1.881 hommes "engagés contre le système prostitueur", dénonce dans un communiqué des "ringards qui s'amusent à défendre une cause machiste perdue".
"Pouvoir disposer librement de leur corps". Une position partagée par Anne Zelensky, présidente de la Ligue du droit des femmes, qui estime qu'en faisant un parallèle avec le Manifeste de 343 salopes, ce texte humilie les femmes. "Quelle filiation peut-il bien y avoir entre nous, les "salopes" qui réclamions la liberté interdite de disposer de notre corps, et ces "salauds" qui réclament aujourd'hui la liberté de disposer contre rémunération et sans pénalité du corps de certaines femmes", écrit-elle dans une tribune publiée par Le Monde.
Un avis partagé par Najat Vallaud-Belkacem qui a fustigé cette pétition. La porte-parole du gouvernement et ministre des droits des Femmes estime que les deux mouvements sont clairement opposés. "Les 343 salopes réclamaient en leur temps de pouvoir disposer librement de leur corps. Les 343 salauds réclament le droit de disposer du corps des autres.", a-t-elle déclaré mercredi lors du compte rendu du Conseil des ministres. Et d'ajouter que cela "n'appelle aucun autre commentaire".