"Punir le client ne résoudra pas le problème de la prostitution". L’idée de loi, inspirée du modèle suédois qui vise à sanctionner le client et proposée par Roselyne Bachelot, est loin de séduire toutes les associations qui viennent en aide aux prostituées.
Reconnaître des droits
C’est le cas de Françoise Gil, sociologue, spécialiste de la prostitution et membre d’un collectif d’associations de prostituées. Pour elle, l’argument avancé par la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale n’est pas valable. "Il faudrait lutter contre les réseaux de façon beaucoup plus efficace et à un niveau européen. Il faudrait donner beaucoup plus de moyens aux travailleurs sociaux pour sortir de là des gens qui se trouvent très mal", explique la spécialiste sur Europe 1.
"Mais par contre, il faut reconnaître des droits et faire accéder aux droits sociaux les personnes dont c’est le métier et qui veulent continuer", estime-t-elle.
"On n'achète pas un acte sexuel"
Mais la prise de position de la ministre a tout de même été saluée par certaines associations oeuvrant dans le secteur. "Ça va dans le bon sens", s’est réjouie Claire Quidet, du Mouvement du Nid. "A un moment, il faut que la société place des limites. On n'achète pas un acte sexuel", qui "doit être en-dehors du champ du marché", a-t-elle martelé.
Le Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) s’est également dit "très favorable à un futur projet de loi visant à punir les clients, que nous appelons depuis longtemps de nos voeux", a déclaré sa directrice générale, Annie Guilberteau.
Suppression de la loi sur le racolage passif
Mais les associations demandent aussi la suppression de la loi sur le racolage passif, instaurée en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et visant uniquement les prostituées. Cette loi "a eu une relative efficacité pour diminuer la présence des personnes prostituées dans les rues. Ca fait sans doute plaisir aux riverains. Mais ça ne fait que cacher le problème", dénonce Claire Quidet, qui la juge "hypocrite".
Pour Annie Guilberteau, "c'est une loi totalement inique qui officialise le renversement des responsabilités, en considérant les prostituées non pas comme des victimes, mais comme des délinquantes". "Son abandon serait souhaitable, d'autant qu'elle ne protège pas les victimes de la prostitution", qu'elle a chassées des villes vers des zones isolées, plus dangereuses, tout en favorisant la prostitution sur internet, ajoute la directrice du CNIDFF.
La mission parlementaire et Roselyne Bachelot se basent sur le modèle suédois où la pénalisation des clients a sensiblement fait chuter le nombre de prostituées. Mais la sociologue Françoise Gil précise que les réseaux, en Suède, contournent la loi "comme ils veulent et envoient désormais les filles par bateau vers la Norvège".