Il ne passe pas un mois sans arrestation de présumés djihadistes, en France. Samedi, un jeune homme de 22 ans a été arrêté à Nice. Il est soupçonné d’avoir aidé une jeune fille de 16 ans à acheter un billet d’avion pour la Turquie, d’où elle devait rejoindre la Syrie. De nombreuses interrogations demeurent sur leurs motivations. Europe 1 y répond.
Qui sont les Français candidats au djihad ?
Ces dernières semaines, plusieurs très jeunes Français ont été interpellés. Trois jeunes filles ont été mises en examen alors qu’elles se préparaient à partir en Syrie. Elles étaient âgées de 14, 15 et 17 ans seulement.
Mais à l’heure actuelle, "il n’y a pas de typologie", explique le journaliste d’Europe 1 Didier François, et "c’est ça qui est difficile". "Pour les recruteurs, on est sur quelque chose de plus habituel. Ce sont des gens rarement très âgés", note-t-il.
Il existe des filières de recrutement plus classiques, comme le montre le cas de Mehdi Nemmouche dont on apprit au mois d'août.
Mais au mois de juillet, une Française de 48 ans, convertie à l’islam, a été arrêtée à Troyes, dans l’Aube. Accompagnée de son fils, elle était soupçonnée d’être allée rejoindre un homme qu’elle avait épousé. Le journaliste spécialisé dans les questions de défense note également la percée d’un phénomène de "regroupement familial du djihadisme, où les plus radicaux partis combattre en Syrie font venir leur femme et leurs enfants", avec l’arrivée de jeunes mères accompagnées de leur tout jeune enfant.
Qu’est-ce qui les motive ?
"C’est LA question que se posent aujourd’hui les spécialistes de l’antiterrorisme", selon Didier François. Les enquêteurs sont "totalement perplexes face à leur motivation". Les dernières arrestations sont celles de jeunes adolescentes, encore mineures. Pour l’instant, "on ne sait pas grand-chose de ce qu’elles ont dans la tête".
Compte tenu de leur très jeune âge, un des éléments de réponse pourrait être une "mauvaise crise d’adolescence" plutôt qu’une profonde radicalisation politico-religieuse, selon les enquêteurs. Le parallèle est fait avec d’autres jeunes qui rejoignent des sectes et qui sont à la merci d'un gourou.
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"Plus proche de la mauvaise crise d'adolescence...par Europe1frQue font-ils une fois arrivés en Syrie ?
Les services de renseignement avancent le chiffre de 900 Français susceptibles d’être allés combattre ou d’en avoir l’intention depuis le début du conflit en Syrie en 2011. Mais "sur les 900, tous ne sont devenus djihadistes combattants et tous n’ont pas rejoint les éléments radicaux de l’Etat islamique", clarifie Didier François. "Il y en a aussi qui sont sincèrement allés faire de l’humanitaire". Il y a "toute une gamme" d’expériences une fois arrivés en Syrie.
Les jeunes filles, comme celles arrêtées récemment "pensent souvent sincèrement qu’elles vont partir en Syrie pour aider le peuple oppressé par une dictature". Mais elles se retrouvent "troisième femme d’un émir ou d’un combattant local et donc objet sexuel".
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Lorsqu'ils foulent le sol syrien, les jeunes qui n’ont pas été recrutés en amont vont souvent être rapidement arrêtés. Les membres de l’Etat islamique "les mettent en prison pendant des périodes assez longues, où ils sont souvent assez mal traités", afin de tester leur solidité et de vérifier qu’il ne s’agit pas de membres des services de renseignement occidentaux. Au moindre doute, "ils les exécutent".
Une fois cette première étape passée, les nouveaux arrivants sont envoyés dans des camps d’entraînement pour faire une formation de base. "Ceux qui les intéressent le moins vont les envoyer en chair à canon", continue Didier François. Une trentaine de Français sont morts sur le champ de bataille syrien.
Les éléments les plus intéressants se voient confier des petits travaux de garde avant de monter en grade, jusqu’au risque de retour.
Risquent-ils de frapper une fois de retour en France ?
C’est le grand danger qui plane et le défi pour les services de renseignement. Certains partent pour se former et revenir frapper en France. Dans le cas de Mehdi Nemmouche, l’antiterrorisme a pu le repérer à son retour, car il avait suivi une filière de recrutement plus classique, en passant par la case prison.
Mais le risque vient surtout des jeunes qui se sont auto-radicalisés. Ils partent en Syrie parfois "plein de bons sentiments" et ils n’ont donc pas été repérés en amont. En juin, un Français avait été interpellé à Berlin, "susceptible d’agir sur le sol français", avait expliqué le ministère de l’Intérieur. Lorsqu’ils sont arrêtés, ils peuvent d’être poursuivis pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme".