La RATP a essayé de se rattraper. En vain. La Coordination chrétiens d'Orient en danger (CHREDO) a décidé de maintenir sa plainte contre elle. En cause ? Des affiches faisant la publicité du groupe Les Prêtres, placardées dans les couloirs du métro, mais dont une mention n'a pas plu à la RATP. Cette dernière a en effet exigé le retrait de la phrase : "au bénéfice ces chrétiens d'Orient" et a proposé une affiche de rechange pour calmer la polémique. Les milieux catholiques se disent inquiets et crient au dévoiement de la laïcité. Mgr Barbarin, cardinal et archevêque de Lyon, invité dimanche sur Europe 1, a estimé qu'"une erreur a été commise".
• À quoi ressemble l'affiche originelle ? L'affiche faisait la promotion du concert prévu à l'Olympia le 14 juin prochain par le groupe Les Prêtres. TF1 Entreprises, producteur de ce trio de chanteurs, avait prévu d'inscrire sur la publicité un bandeau mentionnant : "en faveur des chrétiens d'Orient" car les bénéfices du concert doivent être reversés à L'Oeuvre d'Orient, association française de chrétiens qui viennent en aide aux chrétiens d'Orient.
• Pourquoi la RATP s'y est opposée ? La RATP et sa régie publicitaire Metrobus ont demandé à TF1 Entreprises de retirer le bandeau en question ainsi que le logo de l'association. La raison ? Ils invoquent le "principe de neutralité de service public" dans un communiqué publié mercredi. La RATP avance ainsi qu'elle ne peut "prendre parti dans un conflit de de quelque nature qu'il soit même si elle ne sous-estime pas l'émotion que suscite la situation dramatique des chrétiens d'Orient". Metrobus a cependant expliqué que les affiches concernant des associations humanitaires restaient permises, par exemple pour le Secours catholique ou le Secours islamique.
• L'émotion des catholiques. C'est l'évêque de Gap et créateur du groupe Les Prêtres, Mgr Jean-Michel Di Falco Léandri, qui via son compte Twitter, a lundi communiquer la demande de la RATP.
La #RATP refuse les affiches avec : POUR LES CHRÉTIENS D'ORIENT,qui annoncaient le concert des #PRÊTRES à l'Olympia. pic.twitter.com/CzI4DChywm— Jean-Michel di FALCO (@proteus2013) 30 Mars 2015
Les milieux catholiques ont immédiatement réagi, dénonçant un zèle de laïcité de la part de la RATP. La Coordination chrétiens d'Orient en danger (CHREDO) a saisi vendredi en référé le tribunal de grande instance de Paris pour contraindre la RATP et Métrobus à autoriser la mention objet du désaccord. Pour son président Patrick Karam, "en aucun cas, les chrétiens d'Orient ne prennent part à un quelconque conflit armé, et en aucun cas, leurs revendications ne se heurtent à un principe quelconque du droit". Ils sont les victimes d'exactions graves de forces armées en Irak et en Syrie", estime la CHREDO. La réaction de la RATP et de Métrobus est, selon elle, une "atteinte à la liberté du commerce et à la liberté d'expression dans le cadre d'un soutien aux chrétiens d'Orient".
De son côté, Mgr Philippe Barbarin, cardinal et archevêque de Lyon, invité d'Europe 1 dimanche a estimé qu'"une erreur a été commise". Il a également fait part de son incompréhension face à la réaction de la RATP : "Daech (ndlr : l'Organisation Etat islamique) est condamné par tout le monde et quand un peuple est maltraité, on prend sa défense". "La France le fait, tout le monde le fait", a-t-il souligné. Y a-t-il un tabou autour du mot "chrétien" ? "Oui, quand un juif est tué, je téléphone au grand rabbin immédiatement parce que c'est une horreur". Selon lui, "c'est aussi une horreur quand on tue un chrétien"
• Une affiche de rechange proposée par la RATP... La RATP a déclaré dans un nouveau communiqué que sa décision est maintenue et elle dit s'en remettre désormais à la justice pour mettre fin à ce désaccord. "Dans l'hypothèse où notre position juridique serait contestée", la RATP "en assumera toutes les conséquences en ouvrant ses espaces publicitaires". Elle rappelle toutefois que "seule la mention de la destination de la recette de ce concert a été supprimée, conformément aux conditions générales de vente bien connues des clients annonceurs".
Samedi, par souci de calmer la polémique, elle a aussi proposé une nouvelle campagne mentionnant uniquement le nom de l'association bénéficiaire, à savoir "L'Oeuvre d'Orient". Elle a justifié ce geste par une volonté "d'apaisement et par la "situation humanitaire dramatique vécue par les minorités chrétiennes d'Orient".
• ... et rejetée par la CHREDO. Le geste de la RATP n'a pas convaincu Mgr Jean-Michel Di Falco Léandri, l'évêque de Gap. "Tout le monde ne sait pas ce qu'est L'Oeuvre d'Orient". "Est-ce que c'est le mot chrétien qui leur brûle les lèvres ? C'est invraisemblable, ça ne nous satisfait pas", a-t-il indiqué.
Même réaction chez Patrick Karam, président de CHREDO pour qui il s'agit d'une manœuvre dilatoire, comme si "le mot chrétien était un mot tabou qui brûlait les lèvres"; Dans un communiqué, il "rejette avec la plus grande fermeté ce tour de passe-passe qui consiste à substituer à la cause universelle des chrétiens d'Orient qui relève des droits de l'homme, la mention d'une association caritative".
• La justice tranchera mercredi. La procédure en référé demandée par la CHREDO sera examinée mercredi par le tribunal de grande instance de Paris.