L'étude. Le café réveille peut-être ceux qui peinent à s'extirper de leur nuit, mais il n'éveille pas le cerveau des nourrissons. C'est en tout cas ce qui ressort d'une étude de chercheurs en neuroscience de l'Université d'Aix-Marseille, publiée mercredi dans la revue Science Translational Medicine. Selon les chercheurs, la caféine est susceptible, durant la grossesse, d'affecter le cerveau en développement, "entraînant chez la progéniture une plus grande sensibilité aux crises d'épilepsie et des problèmes de mémoire".
Deux à trois cafés par jours. Les chercheurs ont reproduit chez des souris femelles, pendant leur période de gestation, une consommation de café régulière, équivalente à deux ou trois cafés par jour chez l'être humain. "Les bébés souris étaient beaucoup plus sensibles aux crises d’épilepsie et, une fois devenues adultes, nous avons observé qu'elles présentaient d’importants problèmes de mémoire spatiale, c'est-à-dire des difficultés à se repérer dans leur environnement" explique Christophe Bernard, directeur de recherche à l'Inserm et principal auteur de l'étude.
La caféine se fixe au neurone et les ralentit. Pendant le développement du cerveau du nourrisson, certaines cellules naissent dans une région cérébrale avant de migrer vers une autre. C'est le cas des neurones, qui voyagent en direction de l'hippocampe, où ils font fonctionner la mémoire. Or, la caféine se fixe sur les neurones, munis de récepteurs particuliers. Affectés de ce poids supplémentaires dans leurs valises, les neurones arrivent en retard à destination. Et perturbent tout le processus. "Ce retard de migration va se répercuter tout au long du développement et entrainer des effets néfastes sur le cerveau des souris à la naissance (excitabilité cellulaire et sensibilité aux crises d’épilepsie) et à l'âge adulte (perte de neurones et problèmes de mémoire)", explique l'Inserm dans un communiqué.
Bientôt une étude sur l'Homme ? La caféine est la substance psychoactive (qui se fixe sur les cellules du cerveau) la plus consommée au monde, y compris pendant la grossesse. D'où, souligne l'Inserm, la nécessité de poursuivre les études et déterminer ce que risque précisément le nourrisson humain exposé au café. "Cette étude est la première démonstration des effets néfastes de l’exposition à la caféine sur le cerveau en développement. Bien qu'elle pose la question de la consommation de café chez la femme enceinte, il est nécessaire de rappeler la difficulté, liée à l'utilisation de modèles animaux, d'extrapoler ces résultats à la population humaine sans prendre en compte les différences de développement et de maturation entre les espèces", conclut Christophe Bernard.