LE JUGE. Il n'a pas hésité à mettre en examen Nicolas Sarkozy, provoquant l'ire d'Henri Guaino, estimant que le magistrat avait "déshonoré la justice". Depuis décembre 2010, c'est le juge d'instruction qui mène la barque de l'affaire Bettencourt : à 52 ans, Jean-Michel Gentil gère à Bordeaux ce dossier d’État avec l'image d'un homme aussi discret, dont il existe très peu d'images, et inflexible. Une réputation qu'il vient, une nouvelle fois, de confirmer.
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Un professionnel de caractère. Avec Cécile Ramonatxo et Valérie Noël, les deux autres juges de l'affaire Bettencourt, Jean-Michel Gentil fait partie des "seigneurs de l'instruction" bordelaise. Silhouette fine, regard noir, physique passe-partout, le juge jouit au tribunal d'une image de professionnel "pas toujours très aimable", ayant un peu "pris la grosse tête".
Le portrait du juge sur BFMTV:
Un collègue évoque sa confrontation avec un "colérique, qui n'accepte pas très bien la contradiction" et se serait mis à "hurler dans les couloirs" après un désaccord. "C'était un peu le genre incorruptible", se rappelle un camarade de Sciences Po Bordeaux, au début des années 1980. "Pas un rigolo, mais il avait du recul sur son caractère et il s'amusait parfois à en rajouter".
Il impose son style à la JIRS. Son bureau est situé au sous-sol du tribunal, dans les locaux sécurisés de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS). A la JIRS, "c'est Gentil qui dirige et on a le sentiment qu'il verrouille tout", affirme un collègue, alors que d'autres évoquent une "chape de plomb, presque une parano".
Une vision renforcée jeudi par la mise en examen Nicolas Sarkozy, dont la convocation n'a été connue qu'après son arrivée au palais de justice. Le transfert du dossier Bettencourt est ainsi allé de pair avec la commande de deux armoires fortes et l'installation d'une vitre opaque à l'entrée de la JIRS, pour décourager les curieux.
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A Nanterre, en Corse, il combat. Nommé à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine après sept années passées dans le Nord, Jean-Michel Gentil se fait connaître en s'attaquant aux réseaux de proxénétisme parisiens et sort de l'ombre en 1998 pour combattre la réforme de la justice d'Elisabeth Guigou, comme président de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI). "Il affirmait ses positions avec courage", se rappelle son successeur, Jean-Claude Kross.
Même détermination en 2001, un an après son arrivée à Ajaccio, quand il met en examen Me Antoine Sollacaro, l'avocat d'Yvan Colonna assassiné le 16 octobre, pour "violation du secret de l'instruction". Pour protester, les avocats corses cadenassent les grilles du tribunal. Le juge Gentil "est descendu devant nous (une soixantaine d'avocats) et nous a demandé d'ouvrir", raconte Me Camille Romani, alors bâtonnier du barreau d'Ajaccio. "Il n'est pas du genre à se laisser impressionner, mais pas non plus à reconnaître ses torts".
Ni de gauche, ni vraiment de droite. "Il ne faut pas s'attendre à ce qu'il fasse plus de cadeaux à la droite qu'à la gauche", disent en chœur, les pro et anti, qui l'ont croisé. L'homme a pourtant été "tenté par la politique", écrivait L'Express. "Il n'était pas de gauche", glisse un camarade de Sciences Po, et un collègue le qualifie d'"anar de droite".
Nommé en 2004 à Bordeaux pour dix ans, le juge de l'affaire Bettencourt devra choisir un nouveau poste d'ici fin 2013. En 2012, il a postulé, sans succès, comme premier vice-président en charge de l'instruction au tribunal de Paris, et comme avocat général à la Cour d'appel de Paris.