Le Monde affirme que l’IGS aurait monté une accusation pour écarter des hauts-fonctionnaires.
Après les affaires Michel Neyret et Carlton de Lille, l’institution policière se retrouve à nouveau au cœur d’un scandale. Cette fois, c’est l’Inspection générale des services, la "police des polices", qui est au cœur du tumulte. Selon Le Monde, l'IGS aurait monté de toutes pièces au début de l’année 2007 une opération visant à mettre à l’écart plusieurs hauts-fonctionnaires. Parmi eux : Yannick Blanc, alors directeur de la Police générale à la Préfecture de police et dont les sympathies à gauche sont connues.
Près de cinq ans après le déclenchement de ce "chantier", l'opération en jargon policier, la justice a blanchi en janvier dernier les cinq fonctionnaires incriminés par la "police des polices". Mais elle se penche désormais sur l’enquête même de l’IGS. Le Monde révèle que quatre juges d’instructions mènent des investigations sur six affaires distinctes, pour des faits de "violation du secret de l’instruction", "dénonciation calomnieuse", "violences volontaires" ou encore de "faux en écritures publiques", une qualification plus grave puisqu’elle relève de la cour d’assises.
Départ au bureau des affaires réservées
Au tout début de l'affaire, l'enquête de l’IGS débute dans le bureau des affaires réservées, un service de la préfecture de police gérant la délivrance de titres de séjours. Ce sont d’abord deux agents expérimentés, Zohra Medjkoune et Dominique Nicot, qui sont arrêtées le 30 mai 2007 sur des soupçons de délivrances frauduleuses de titres. Après 48 heures de garde à vue, elles sont mises en examen pour "corruption" et "trafic d'influence" par la juge Michèle Ganascia. Mais la "police des polices" vise plus haut.
Dans son viseur, se trouvent Christian Massard, policier affecté à la sécurité de Daniel Vaillant, ex-ministre socialiste de l’Intérieur, mais aussi et surtout Yannick Blanc et son adjoint Bruno Tiquenaux. Seul Yannick Blanc échappera finalement à la mise en examen. Mais pas aux 48 heures de garde à vue.
L’actuel préfet de police entendu
Pour appuyer leurs accusations, les enquêteurs de la "police des polices" ont transmis à la juge Michèle Ganascia des relevés d’écoutes téléphoniques, des PV d’audition, ou encore des expertises. Sauf que selon Le Monde, des retranscriptions auraient été amputées, certains PV carrément truqués, et un expert au moins serait sans réelle référence. Au final, les mis en cause ont bien reconnu avoir accepté parfois des présents de certains demandeurs, mais sans contrepartie, tranchera la justice en janvier 2011. Au bout de quatre ans d’enquête, les accusés sont donc finalement blanchis. C'est alors que l’enquête se retourne contre ses instigateurs.
Car dans l’intervalle, Me Lepidi, avocat des fonctionnaires, a contre-attaqué. Le conseil a même mis en cause, dans un courrier au Conseil supérieur de la magistrature, la juge Michèle Ganascia, qui, à son goût, a prononcé les mises en examen trop rapidement, sans s’appuyer sur des faits tangibles.
D’autres personnalités haut placées apparaissent alors dans la nouvelle procédure. Le Monde révèle encore que l’actuel préfet de police de Paris, Michel Gaudin, nommé par Nicolas Sarkozy, a été entendu comme témoin assisté, statut intermédiaire avant celui de mis en examen, sur l’un des volets de l’affaire. Idem pour Pascal Mailhos, ancien directeur des renseignements généraux, ou encore Claude Bard, l’actuel patron de la police des polices, depuis juillet 2010.
La réplique de la Préfecture de police
Dans ce dossier, la sphère politique ne serait pas loin, tant par les amitiés des mis en cause que celles des accusés d’aujourd’hui. Yannick Blanc, désigné par Le Monde comme la cible de la manipulation, refuse pourtant de porter des accusations. "Je n'ai aucune preuve qu'il s'agisse d'un coup monté politique. Je pense plutôt à un dérapage de l’IGS motivé par une vision politique des choses", a-t-il expliqué.
Celui qui est désormais directeur de cabinet adjoint du président socialiste de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, voit dans cette affaire le "zèle" des responsables de l'IGS de la préfecture de police. "Aucun élément ne me permet de mettre en cause le préfet de police. Je pense que le préfet de police a été lui-même intoxiqué", a-t-il déclaré.
De son côté, la Préfecture de police rejette en bloc ces accusations. Elle "usera de son droit de réponse auprès de l’organe de presse concerné", indique l’organisme dans un communiqué. "En outre, elle se réserve la possibilité de donner les suites judiciaires appropriées."