La loi du marché est la plus forte. Alors que depuis de nombreuses années, la SNCF refusait de reconnaître son rôle dans la déportation des Juifs lors de la Seconde guerre mondiale, en affirmant avoir agi sous la contrainte de l’occupant nazi, la compagnie publique française a effectué un spectaculaire revirement. Avec comme objectif de préserver ses chances sur le marché américain.
Car la société publique concourt pour plusieurs projets de ligne à grande vitesse aux Etats-Unis, pour un total de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Or, en Californie, le démocrate Bob Blumenfield a fait adopter une loi qui oblige tous les candidats à un contrat à faire la lumière sur leur éventuel rôle dans le transport de déportés de 1942 à 1944. Un élu de Floride à la Chambre des représentants, le démocrate Ron Klein, a déposé au niveau fédéral un projet de loi similaire. Si elle n’est pas mentionnée nommément, la SNCF est clairement visée par les élus, qui lui reprochent de ne pas reconnaître sa responsabilité.
"Lamentable"
En déplacement début novembre aux Etats-Unis pour présenter l'offre de la SNCF pour le projet floridien de ligne à grande vitesse Tampa-Orlando, son président, Guillaume Pepy, a donc fait acte de contrition au moment de rencontrer, à Fort Lauderdale, des élus de l'Etat de Floride et des associations juives. Selon Le Monde, il a fait part du "souhait de la SNCF d'exprimer sa profonde peine et son regret pour les conséquences de ses actes" réalisés sous la contrainte "de la réquisition."
"C'est un pas évident dans l'avancée de la vérité historique, que le procès de mon père avait permis d'établir, ainsi que le rapport Bachelier", a réagi l'ex-député européen Verts Alain Lipietz, dont la famille avait intenté - et perdu - un procès contre l’Etat et la SNCF en 2006. "Mais ce qui est lamentable, c'est qu'il fait ça aux Etats-Unis uniquement pour améliorer sa position dans un appel d'offres, et non pas pour éviter que ça se reproduise un jour."