Les compagnons d'équipage de Bernard Jobard, le marin mort lors du naufrage du Sokalique en 2007, se sont tous rendus au procès des navigateurs du cargo turc mis en cause dans la collision. Au premier jour du procès à Brest, les pêcheurs du Sokalique ont évoqué mardi avec émotion le "choc" perçu la nuit du drame, qui a coûté la vie à leur patron.
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"Il nous a percutés, mais ne s'est pas arrêté"
Dans la nuit du 16 au 17 août 2007, à 60 milles nautiques (110 km) au nord de l'île d'Ouessant, dans les eaux internationales et alors que les conditions météo sont bonnes, le Sokalique et l'Ocean Jasper, un cargo immatriculé aux îles Kiribati, un micro-Etat du Pacifique, entrent en collision. Bernard Jobard, le capitaine, reste à la barre jusqu'au dernier moment pour alerter les secours. Il périt noyé, tandis que les six autres marins sont sauvés.
Tremblant et très ému, Hubert Person a raconté comment il avait été "réveillé par un très, très gros choc", suivi par "un deuxième coup, puis un troisième". Et de poursuivre : "la cale était inondée et l'eau avait envahi la machine en 10 à 20 secondes (...), puis le bateau s'est couché".
Poursuivis pour homicide involontaire
Il a assuré avoir vu l'Ocean Jasper au moment de la collision. "Le pire, c'est qu'il nous a percutés, mais ne s'est pas arrêté. Rien à foutre... et ces mecs-là sont en liberté!", a-t-il lancé. Le vraquier, qui a perçu le choc, a en effet poursuivi sa route comme si de rien n'était.
La société turque est donc poursuivie, en tant que personne morale, pour homicide involontaire, délit de fuite et omission de porter secours à personne en péril. L'armateur turc Mhemet Gomuc était présent dans la salle, mais le capitaine du vraquier, Rafik Agaev, et son second, Aziz Mirzoyev, tous deux de nationalité azerbaïdjanaise, étaient absents. Depuis mai 2011, ils font l'objet d'un mandat d'arrêt international.
Des fautes des deux cotés
Avant d'entendre les survivants du naufrage, le tribunal s'est interrogé sur la compétence du matelot à la manoeuvre à bord du caseyeur au moment de l'abordage. Interrogé pour savoir s'il estimait avoir les compétences suffisantes pour assurer des quarts, Frédéric Olier a reconnu : "Non, car je n'avais pas le réflexe de prendre le bateau en main". A l'époque de la collision, "je ne savais pas débrayer sur un bateau", a-t-il précisé. Cependant, Hubert Person a assuré que Frédéric Olier "savait tout faire à bord" et qu'il "était capable de prendre ses propres décisions".
Le rapport du Bureau d'enquête sur les événements de mer (BEA) a donc conclu que les responsabilités étaient partagées entre les deux équipages. Le BEA a effet évoqué un "défaut de veille à bord de l'Ocean Jasper", mais également un "défaut d'appréciation de la situation par le matelot" Olier.
Les experts appelés à la barre ont donc tranché que les deux navires avaient été à la vue l'un de l'autre 17 minutes avant l'impact. "Frédéric Olier observe ce bateau mais ne réagit pas", a indiqué Alfred Smith, expert maritime. "L'Ocean Jasper, lui, ne voit rien", a-t-il poursuivi, estimant que la "veille radar sur le cargo n'était pas assurée, pas plus que la veille optique". A la justice de démêler les responsabilités de chacun.