Des paquets blancs, semblables les uns aux autres. C'est ce à quoi pourraient bientôt ressembler les rayons des bureaux de tabac. "Nous allons nous battre, en particulier au niveau européen, pour faire en sorte d'aller vers ce qu'on appelle le 'paquet neutre', c'est-à-dire un paquet sans marque, qui ne soit pas attractif, pas séduisant", a en effet annoncé mardi la ministre de la Santé, Marisol Touraine, sur BFM-TV.
"On sait que les jeunes aujourd'hui achètent un paquet parce qu'il leur semble plus joli, plus agréable à regarder", s'est-elle justifiée. Ces paquets génériques sont une demande récurrente des associations anti-tabac. Yves Bur, alors député UMP, avait même déposé en décembre 2010 une proposition de loi en ce sens. En vain.
Une efficacité qui fait doute
"Considérés comme ternes, peu stylés et ne renvoyant plus à l'imaginaire de la marque, les paquets 'neutres' ne donnent pas envie d'être achetés et en ce sens ils constituent un frein majeur à l'initiation des plus jeunes dans le tabagisme", estime Karine Gallopel-Morvan, chercheur en marketing social à l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique et citée par le comité national contre le tabagisme (CNCT).
"Aucune étude sérieuse n'a démontré qu'une telle mesure serait efficace", rétorque quant à lui Eric Sensi, directeur des relations institutionnelles chez Imperial Tobacco.
Et pour cause, aucun pays ne l'a encore mise en place. Seule l'Australie a voté une loi qui impose, à partir de décembre 2012, des paquets uniformes vert olivâtre, couverts d'avertissements et ne portant que la marque et le nom du produit. Et les industriels du tabac ont déposé un dossier devant la justice pour contester cette réforme.
Durant la campagne pour l'élection présidentielle, François Hollande s'était dit "intéressé" par l'expérience australienne. En Europe, une directive est en cours de rédaction sur le packaging des paquets et sur les rayonnages dans les bureaux de tabac.
Les paquets bientôt sous le comptoir ?
Selon le blog Lemondedutabac.com, les discussions du gouvernement portent sur des "paquets totalement génériques" ou des "paquets quasi-génériques (avec photo-choc sur 75% de la surface du paquet)". L'Europe pourrait en outre obliger les buralistes à mettre tous les paquets de cigarettes sous le comptoir et non plus dans les linéaires, ou encore limiter la taille et le nombre de ces linéaires, selon la même source. La directive est attendue début novembre. Mais les fabricants, très actifs en lobbying, affutent déjà leurs arguments contre cette mesure, qui porterait atteinte au droit de la propriété intellectuelle.
"Il n'est pas prouvé que les jeunes commencent à fumer à cause de l'apparence d'un paquet", avance Denis Fichot, porte parole en France de Japan Tobacco International. "L'emballage n'est pas un facteur déterminant dans le choix des consommateurs pour commencer à fumer ou pas, notamment des jeunes", assure-t-on également chez Philip Morris International sur la foi d'une étude européenne Eurobaromètre publiée en mai.
Une cigarette sur cinq achetée hors buraliste
"En revanche, un paquet générique serait très facile à contrefaire et pourrait se retrouver ainsi à bas prix en vente dans la rue", assène Denis Fichot. Ce risque d'augmentation de la contrefaçon "a été mis en évidence dans un rapport parlementaire" publié à l'automne, renchérit Yves Trévilly, porte-parole de British American Tobacco.
Un tel risque existe d'ailleurs déjà. Plusieurs études, dont une des Douanes, montrent qu'une cigarette sur cinq fumée en France n'a pas été achetée chez l'un des buralistes, mais à l'étranger, sous le manteau ou via internet.
De son côté, le patron des buralistes, Pascal Montredon, craint que "l'arrivée de ces paquets génériques, mais aussi la disparition des linéaires, aboutisse à la disparition pure et simple des buralistes". La question est délicate. D'un côté, le tabac est à l'origine de 66.000 décès par an en France. De l'autre, les buralistes sont confrontés à une chute continue de leur chiffre d'affaire.