La question. Pourquoi et avec quel argent Ziad Takieddine a-t-il tenté de se procurer un passeport diplomatique ? C'est ce que cherchent à comprendre les enquêteurs. L'homme d'affaires franco-libanais a été mis en examen et écroué vendredi soir à la prison de la Santé.
Un passeport à 200.000 dollars. A l'origine des nouveaux ennuis judiciaires de Ziad Takieddine, une nouvelle perquisition menée le 11 avril à son luxueux domicile parisien. A cette occasion, les policiers mettent la main sur un courriel laissant penser que l'intermédiaire en armement allait se faire délivrer un passeport diplomatique émis en janvier 2013, qu'il aurait commandé moyennant 200.000 dollars.
"Corruption" et "escroquerie". Au vu notamment de cette découverte, le parquet de Paris ouvre début mai une information judiciaire pour "corruption d'agent public étranger" et "escroquerie", confiée aux deux juges instruisant le volet financier de l'affaire Karachi, Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire. A cette procédure viennent d'être jointes deux autres instructions qui visaient Ziad Takieddine, cette fois pour "fraude fiscale" et "organisation frauduleuse d'insolvabilité".
Les biens de Takieddine saisis. L'homme d'affaires a donc été placé en garde à vue jeudi matin par les policiers qui le soupçonnent d'avoir envisagé de se soustraire à la justice. Déféré vendredi, Takieddine a été présenté aux magistrats instructeurs qui l'ont mis en examen pour l'ensemble de ces chefs et placé en détention provisoire. Les enquêteurs veulent comprendre les raisons pourquoi Ziad Takieddine a cherché à obtenir ce document d'identité, alors qu'il n'a pas le droit de quitter le pays, et comment il a pu en financer l'achat, alors que l'essentiel de ses biens a été saisi dans l'enquête Karachi.
Des "investissements" en République dominicaine. Pour l'un des avocats de Ziad Takieddine, l'achat de ce passeport n'aurait rien à voir avec un projet de fuite. Il "s'inscrit, de façon totalement accessoire, dans le cadre des investissements que Ziad Takieddine souhaitait faire en République dominicaine depuis la France et pour favoriser ceux-ci et l'ouverture d'un compte bancaire dans ce pays à cet effet", a affirmé Me Francis Vuillemin. "Ziad Takieddine n'a donc absolument pas 'acheté' un passeport ni cherché à quitter le territoire français. Il a simplement essayé, à partir de la France, de continuer à travailler pour vivre, et ce dans le respect scrupuleux d'un contrôle judiciaire qui interdit à cet homme d'affaires international de voyager", a-t-il poursuivi.
"Condamné au silence médiatique". Me Beranger Tourné, un autre avocat de l'homme d'affaires, a dénoncé samedi matin sur Europe 1 l'incarcération de son client. "C'est une farce pour le condamner au silence médiatique", estime-t-il. "Le 11 avril, on saisit ce vrai faux passeport au cours d'une perquisition, et c'est deux mois plus tard qu'on nous fait croire à un complot d'évasion. Pendant deux mois, Ziad Takieddine a sollicité à trois reprises d'être entendu par le juge Renaud Van Ruymbeke. En dépit des rendez-vous judiciaires qui ne cessaient d'être repoussés par le juge, subitement on vient le mettre en examen pour une affaire qui date de deux et on fait croire qu'il voulait quitter le territoire", ajoute l'avocat.