Le sulfureux Ziad Takieddine doit une nouvelle fois se retrouver face aux juges Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke. L'intermédiaire en contrats d'armement doit être auditionné mercredi dans le volet financier de l'affaire Karachi, dix ans après l'attentat du 8 mai 2002. Cette fois, il va devoir s'expliquer sur d'importants retraits en espèces effectués sur des comptes étrangers, entre 1994 et 1996.
Ziad Takieddine a été mis en examen en septembre 2011 pour recel d'abus sociaux aggravé et faux témoignage, puis une troisième fois le 24 avril, pour blanchiment aggravé. A la sortie du tribunal, il avait jugé sa mise en examen "inconstitutionnelle" et affirmé qu'il ne "répondrait plus aux convocations".
Des mouvements bancaires suspects
Lors de sa dernière audition, le juge Van Ruymbeke avait interrogé l'homme d'affaires franco-libanais sur des mouvements bancaires au Lichtenstein, en Espagne et en Suisse. Ces mouvements suspects pourraient être liés à l'encaissement de commissions, via des sociétés écrans, dans le cadre de contrats d'armement avec le Pakistan, pour les sous-marins Agosta, et avec l'Arabie saoudite, pour les frégates Sawari II.
L'homme d'affaires Abdul Rahman El Assir, soupçonné comme Ziad Takieddine d'avoir joué les intermédiaires, aurait reçu des virements bancaires sur son compte, qui auraient donné lieu à d'importants retraits en liquide, en 1994 et 1995. Ziad Takieddine, lui, affirme n'avoir "nullement bénéficié de ces retraits" et assure qu'il n'est lié "en aucune matière" à Abdul Rahman El Assir.
"Un hasard malheureux"
Mais six de ces retraits coïncident, selon l'enquête, à la présence de Ziad Takieddine à Genève. Le 28 juillet 1994, un million de francs, soit environ 150.000 euros, ont ainsi été versés sur le compte d'Abdul Rahman El Assir. Le soir-même, Ziad Takieddine était intercepté à la frontière franco-suisse en possession de 500.000 francs en liquide, une somme issue de son "compte personnel", a assuré l'intéressé aux juges.
"Si des retraits ont été effectués les jours où j'étais à Genève, c'est un hasard malheureux", s'est-il défendu, estimant que sa présence "ne prouve pas une implication quelconque dans les retraits".
Une maison à Londres
Ziad Takieddine a aussi nié avoir eu connaissance d'une note d'Abdul Rahman El Assir à son banquier suisse, lui demandant de mettre à sa disposition un million de francs lors du premier retrait, le 2 juin 1994.
Une somme de 28 millions de francs, soit 4,2 millions d'euros, aurait aussi été transférée entre février 1995 et juillet 1996. Ces fonds auraient été déplacés, sur ordre d'Abdul Rahman El Assir, par le compte de la société Mercor, liée au contrat pakistanais Agosta, sur celui de la société Fitzroy, contrôlée par Ziad Takieddine. Ils auraient permis à ce dernier d'acheter une maison à Londres.
L'homme d'affaires a assuré aux juges qu'il ne s'agissait pas de commissions, mais de sommes versées au titre de "prestations de service pour l'Arabie saoudite". Quant à son rôle dans les contrats, il admet être intervenu pour Sawari II, mais pas pour les négociations avec le Pakistan. Mais des témoins ont affirmé qu'il avait été imposé à la dernière minute, et qu'Abdul Rahman El Assir avait servi d'intermédiaire.