"Vous n'imaginez pas à quel point je suis inquiet". La phrase est signée Bernard Tapie, et elle est ironique, évidemment. Interrogé par Europe 1 jeudi, l'homme d'affaires a réagi à l'audition de Christine Lagarde jeudi dans le cadre d'une enquête ouverte pour "complicité de faux et détournement de fonds publics". L'ancienne ministre de l'Économie est soupçonnée d'avoir favorisé Bernard Tapie dans le règlement du contentieux opposant l'homme d'affaires à l'Etat sur la revente d'Adidas par le Crédit Lyonnais, en 1993. Un arbitrage privé et coûteux qui a permis à l'homme d'affaires de toucher 400 millions d'euros.
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"Le sort judiciaire de Lagarde ne m'intéresse pas". Pour l'homme d'affaires, cette audition ne le concerne pas. "Je dois vous dire que le sort judiciaire de Christine Lagarde ne m'intéresse pas du tout. (…) Et deuxièmement, je ne suis pas du tout concerné. Je voudrais rappeler que Madame Lagarde est dans le camp adverse, elle est ministre des Finances, représentante de l'Etat propriétaire de la banque. Moi, j'ai mon camp, elle a le sien", a-t-il lancé au micro d'Europe 1.
"J'ai mon camp, Christine Lagarde a le sien" :
"Rien de contestable". Selon Bernard Tapie, il n'y a aucune raison de remettre en cause l'arbitrage privé sollicité par l'ancienne ministre de l’Économie en 2007. "Lorsque qu'un arbitrage est fait, il fait dans des règles. Vous avez la chance d'avoir comme arbitre des gens comme Pierre Mazeaud, Jean-Denis Bredin et le président d'honoraire de la cour d'appel de Versailles. Vous pouvez être tranquille que, s'il y a eu à l'intérieur de l'arbitrage quoi que ce soit de contestable, il y a longtemps que ce serait sorti et qu'on le saurait", assure Bernard Tapie.
Pour rappel, l'arbitrage privé avait permis d'accorder 240 millions d'euros au Groupe Bernard Tapie (GBT), auxquels s'étaient ajouté 70 millions d'euros d'intérêts et 45 millions de "préjudice moral". Une somme colossale bien supérieure à la décision de justice rendue en 2005, qui était en effet bien plus favorable pour l'Etat.
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"Je n'ai jamais connu les arbitres". L'homme d'affaires a également tenu à balayer d'un revers de main les soupçons de connivence avec l'un des arbitres chargés d'encadrer le compromis lui et le Crédit Lyonnais. Selon les investigations de la Cour de justice de la République rendues publiques par Mediapart en 2011, "le choix des arbitres n'apparaissait pas conforme aux pratiques habituelles". La CJR avait également souligné les liens de deux des trois arbitres avec Bernard Tapie, une composition "d'emblée défavorable" à l'Etat.
"On peut fantasmer, mais rien n'est vrai. Aucun arbitre n'est proche de moi. L'un d'entre eux a seulement fait deux arbitrages avec un de mes avocats et il a perdu", se défend Bernard Tapie qui dénonce de son côté une affaire commanditée à l'époque par la gauche. Selon lui, les extraits du réquisitoire sont "bidons" et ont été "signés par le procureur général de la Cour de cassation… présent au meeting de Martine Aubry."
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