L’INFO. Pour leur première mise en examen dans ce dossier, les juges d'instruction ont frappé fort. L’ancien haut magistrat Pierre Estoup, l’un des trois juges du tribunal arbitral ayant décidé d’octroyer 403 millions d’euros à l’homme d’affaires dans le litige qui l’opposait au Crédit Lyonnais, a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée. Cet ancien magistrat présenté comme un personnage-clé de l'affaire, est soupçonné d’avoir favorisé un arbitrage en faveur de Bernard Tapie.
Un arbitrage faussé ? Pierre Estoup, 86 ans, a été mis en examen à l’issue d’une garde à vue médicalisée à l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu. Les enquêteurs le soupçonnaient au départ d’avoir eu des liens anciens avec Bernard Tapie et son avocat, Me Maurice Lantourne, ce qui aurait pu fausser l’arbitrage rendu en 2008 dans le litige opposant l'homme d'affaires au Crédit Lyonnais sur la vente d’Adidas en 1993. Mais les accusations sont maintenant beaucoup plus graves : Pierre Estoup est désormais soupçonné d’être intervenu, avec d’autres, pour favoriser la remise d’une forte somme d’argent à Bernard Tapie, via l’arbitrage. En le mettant en examen, les juges envoient un message clair aux autres protagonistes du dossier. Selon eux, l'enquête de la brigade financière a permis de découvrir des indices permettant de penser que toute la procédure d'arbitrage a été faussée, et pas seulement les arbitres.
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Le volet non ministériel de l’affaire. La mise en examen de Pierre Estoup a été décidée dans le cadre de l’enquête sur le volet non ministériel de l’affaire Tapie/Adidas. Cette enquête a été ouverte en septembre 2012 pour "usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit au préjudice du consortium de réalisation" chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais. Une enquête ensuite élargie au délit de "faux, détournement de fonds publics, complicité et recel de ces délits". Les juges ont décidé mercredi de requalifier le délit de "faux par simulation d’acte" en "escroquerie en bande organisée". Dans le volet ministériel de l’enquête, c’est devant la Cour de Justice de la République (CJR) qu’une procédure a été engagée. Dans ce cadre, l’ancienne ministre de l’Économie Christine Lagarde a été placée sur le statut de témoin assisté. Dans quelques jours, les policiers entendront Stéphane Richard, son ancien directeur de cabinet. Ainsi que Jean-François Rocchi, qui représentait les intérêts du Crédit Lyonnais, ou encore Claude Guéant, à l'époque secrétaire général de la présidence de la République, qui va devoir justifier les nombreux rendez-vous de Bernard Tapie à l'Élysée.
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"Incompréhensible" pour Tapie. L’homme d’affaires a jugé cette mise en examen "incompréhensible". "Il y a forcément dans ce dossier des choses que j’ignore pour que les motifs de la mise en examen soient si graves", a-t-il réagi, rappelant que son avocat, Me Maurice Lantourne, avait été placé en garde à vue puis libéré dans la nuit de mardi à mercredi. L'avocat "a été entendu ce matin" et "il est ressorti", a indiqué Bernard Tapie, ajoutant : "il n'a même pas interdiction de me voir".
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L’État partie civile. Le ministère de l’Économie a annoncé que l’État allait se constituer partie civile "dans les meilleurs délais". Le but ? "Veiller à ce que les intérêt patrimoniaux de l’État ne soient pas lésés" et "avoir accès au dossier", a expliqué Bercy. Un "recours" contre la sentence n’est pas exclu.