L'INFO. C'est une des principales surprises du remaniement : Christiane Taubira conserve son maroquin de garde des Sceaux, en dépit de ses désaccords avec Manuel Valls. Dommage collatéral ou contrepartie, la très controversée réforme pénale, principal point d'achoppement entre l'ex-ministre de l'Intérieur et la locataire de la place Vendôme, est d'ores et déjà reportée. Déjà repoussé à l'après-municipales, l'examen du texte par la commission des lois de l'Assemblée prévu mercredi a finalement été reporté sine die en raison du tohu-bohu ministériel.
Un report déjà acté. Parmi ses mesures phares, le texte prévoit notamment de supprimer les peines plancher créées sous Nicolas Sarkozy et de mettre en place une peine de probation pour certains délits. Une reforme officiellement reportée depuis mercredi. Le nouveau calendrier doit désormais être annoncé mardi prochain lors de la "conférence des présidents", qui réunit les dirigeants des commissions et les présidents des différents groupes politiques qui composent l'Hémicycle. Dès l'entre-deux tours des municipales, les députés socialistes en charge du dossier s'étaient réunis discrètement pour se mettre d'accord sur un examen fixé au mieux à l'été, selon les informations d'Europe 1.
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Pourquoi les députés PS n'en veulent pas ? D'abord par l'absence d'un consensus sur la réforme au sein même de la majorité, ensuite par la vigueur de l'opposition de la droite à ce texte jugé trop "laxiste", enfin par le décalage par rapport aux urgences exprimées dans les urnes par les Français. Ainsi un député socialiste confie à Europe 1 : "la réponse à la dégelée électorale ne peut pas être de dire aux Français 'on vous a entendus, on va faire la réforme pénale, on va vider les prisons'".
Manuel Valls, Premier ministre et premier opposant. En août dernier, Manuel Valls en tant que ministre de l'Intérieur, avait pris lui-même sa plume pour exprimer son opposition au texte dans une lettre à François Hollande.
"La quasi-totalité des dispositions de ce texte a fait l'objet de discussions, voire d'oppositions du ministère de l'intérieur", écrivait-il alors dans cette missive publiée par le Monde. "La peine de probation ne présente pas beaucoup d'avantages […] Ce projet de loi part d'un premier postulat que je ne peux intégralement partager : la surpopulation carcérale s'expliquerait exclusivement par le recours 'par défaut' à l'emprisonnement et par l'effet des peines planchers", poursuivait-il.
Manuel Valls tout juste nommé Premier ministre peut-il ainsi se "renier" en portant à l'Assemblée un projet de loi dont il ne veut pas ? Assurément non. Conséquence : le texte est reporté, avant de possibles retouches. "Il faut revoir ce qui est à revoir", confiait mercredi un fidèle de François Hollande.
Dès lors, pourquoi garder Christiane Taubira ? Christiane Taubira a en réalité été sauvée sur le fil. D'abord par le refus de Bertrand Delanoë de s'installer à la Chancellerie et ensuite par le départ des Verts. Mercredi matin, Christiane Taubira est redevenue "incontournable", comme le dit un proche de Manuel Valls. Elle est une figure de la gauche combattante, une icône pour le PS depuis le mariage pour tous et, de plus, membre du Parti radical de gauche (PRG), permettant ainsi d'élargir la majorité. Enfin, dans une logique purement politicienne, le Premier ministre peut montrer qu'il ne coupe pas la tête de ses ennemis et qu'il rassemble.
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