Des tensions "de plus en plus visibles" et l'apparition de conflits "durs", voilà le tableau dressé de la relation parents-école dans un rapport de l'Assemblée nationale publié mercredi. Un constat qui confirme une étude récente de l'Insee, qui révélait que les personnels de l'Education Nationale sont l'objet de menaces ou d'insultes de la part des élèves mais aussi des parents.
Un ressenti négatif. Aucune étude chiffrée ne permet d'affirmer aujourd'hui que les conflits entre les parents et l'école sont en augmentation. Mais les auditions ont révélé des tensions "de plus en plus visibles" et le "ressenti des personnels et des parents, et, par conséquent, des médias semble aller dans ce sens", explique Valérie Corre, rapporteuse de la mission d'information de l'Assemblée Nationale sur les "relations entre l'école et les parents. Ainsi, des enquêtes racontent des "agressions" de professeurs par les parents, principalement "du harcèlement, des menaces et des insultes."
Mais comment naissent les conflits ? Un des "points de friction" relevé par le rapport concerne "la carte scolaire", c'est-à-dire quand il s'agit d'inscrire son enfant dans une école proche du domicile. Contactée par Europe1.fr, Nathalie*, principale-adjointe depuis 6 ans en Île-de-France, confirme : "Le choix du lycée en fin de 3ème peut provoquer des étincelles. Les parents élitistes, souvent issus de classes aisées, se manifestent quand ils n'ont pas obtenu LE lycée demandé. Cela peut aller jusqu'aux insultes. Avec l'assouplissement de la carte scolaire, ces parents s'imaginent des droits qu'ils n'ont pas. Heureusement, la majorité ne sont pas comme ça."
La "violence" inquiète. Les parents sont inquiets dès lors qu'ils "ressentent une certaine incapacité de l'école" à mettre fin aux violences dont sont victimes leurs enfants. Si les établissements scolaires disposent d'un large panel de sanctions, ils ne peuvent pas tout : "Les agressions entre élèves ayant lieu en dehors du collège sont de la responsabilité de la police, pas de celle de l'établissement", précise Nathalie. "Mais les parents refusent d'aller porter plainte et me reprochent de ne rien faire. C'est comme les parents qui nous envoient les élèves malades le matin, pensant qu'en plus de faire police, on fait aussi hôpital."
Une institution "opaque". Enfin, selon le rapport, le "langage" tenu par l'Education Nationale frustre les parents qui ne comprennent pas certains "sigles incompréhensibles" ou des "formules elliptiques". Valérie Marty, présidente de la Peep (Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public) confie à Europe1.fr : "J'invite les enseignants à mieux expliquer leur travail. Pour les parents, l'école est opaque. Pourquoi ne pas organiser des réunions où les professeurs nous présentent leur pédagogie, leurs méthodes d'évaluation, la manière d'appliquer les programmes ? Les parents sont vraiment demandeurs de ce genre d'information".
Les parents ont déjà du pouvoir. Pourtant, les parents ont déjà en leurs mains des leviers. Ils élisent tous les ans des représentants qui siègent et votent dans les instances principales des établissements scolaires. Ils sont aussi invités plusieurs fois par an à des réunions : en début d'année pour faire connaissance avec les professeurs, en cours d'année pour faire le point avec les professeurs sur les résultats de leurs enfants. D'autres occasions de rencontrer le monde éducatif existent comme l'organisation d'un voyage, d'une sortie, d'une option nouvelle.
Des voies traditionnelles de négociation en panne ? La principale-adjointe déplore que les parents utilisent peu ces leviers : "J'organise plusieurs fois par an des réunions avec les représentants de parents d'élèves mais ils se plaignent du manque de remontées de la part des parents. Et les réunions de la rentrée de septembre, il n'y a pas foule. Mais ces voies traditionnelles ont été étouffées par l'individualisme des parents. Ils veulent des rendez-vous individualisés. Quand ils ne débarquent pas sans prévenir, exigeant que je les reçoive."
"Ces voies traditionnelles de recours n'ont de toute façon jamais fonctionnées", déplore Valérie Marty. "Les délégués des parents sont juste tolérés et mis de côté si c'est possible. Sans parler des directeurs d'école qui oublient de distribuer les bulletins de vote aux parents lors de la rentrée."
Quelles solutions ? Le rapport de l'Assemblée Nationale propose la création de postes de "médiateur école-parents". Ils existent déjà dans certaines académies. "Ça ne changera rien" pour Valérie Marty, "c'est aux personnels de l'Éducation Nationale à changer de posture". Nathalie, la principale-adjointe, n’est pas plus enthousiaste : "Les professeurs, les principaux sont déjà des médiateurs. C'est nous qui connaissons le mieux les élèves et leurs parents. Que pourra faire quelqu'un d'extérieur à l'établissement ?"
Instaurer de la confiance. Selon Valérie Marty, il faudrait changer le cadre dans lequel les parents sont conviés actuellement dans les établissements. "Aujourd'hui, les rencontres avec les enseignants dans les salles de classe sont froides, presque caricaturales avec le professeur derrière son bureau et les parents à la place des élèves. Elles devraient se faire dans une salle conviviale, sans face-à-face frontal, avec des échanges informels." Et d'insister : "Pour qu'une relation puisse s'établir, le parent doit avoir confiance dans le professeur et pour cela, il faut se rencontrer".
*le prénom a été changé
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