La phrase. C’est l’une des trois décisions annoncées par François Hollande au lendemain de la déflagration causée par les aveux de Jérôme Cahuzac. "Assurer la publication et le contrôle sur les patrimoines des ministres et de tous les parlementaires : le gouvernement soumettra au Parlement, dans les semaines qui viennent, un projet de loi dans cette direction", a promis le chef de l’Etat. Sauf qu’une telle disposition existe déjà. Depuis la loi du 11 mars 1988 exactement, qui créait une Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTVFP), composée de magistrats du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes.
>>> Europe1.fr s’est plongé dans le très instructif dernier rapport de la commission en question, datant du 25 janvier 2012.
Le patrimoine, avant et après. La loi du 11 mars 1988 concerne les députés, sénateurs, ministres, principaux élus locaux et dirigeants d’organismes publics. Elle oblige ces quelque 6.000 personnalités à remplir une déclaration de patrimoine, et non de revenus, au début et à la fin de leur mandat. La CTVFP compare alors les deux documents et, si elle constate un écart trop important, elle agit en conséquence. Elle réclame des explications et peut, si elle n’est pas convaincue, saisir le parquet.
Des retards (trop) fréquents. Les "personnes assujetties", comme les appelle la commission, disposent de deux mois après leur élection et après leur départ pour envoyer leurs déclarations. Dans les faits, et ce malgré les "efforts anciens et constants" de la commission, les retards sont fréquents. "La commission constate que 25 % des élus régionaux et que 9 % des élus départementaux n’avaient pas transmis leur déclaration de patrimoine dans les délais légaux. De même, sur les 70 sénateurs, pourtant destinataires d’un courriel personnel, 13 % n’avaient pas transmis leur déclaration dans les délais", peut-on lire dans le rapport. En théorie, ces retardataires, 199 au total, auraient pu, selon la réforme du 14 avril 2011, écoper d’une amende de 15.000 euros. Dans les faits, aucune sanction n’a été prononcée.
Dans 16% des cas, c'est flou. "En 2010 comme en 2011, la commission a été contrainte de demander des explications complémentaires pour 16 % des dossiers examinés. Ce pourcentage était de 15 % pour la période 2007-2009", précise la commission, qui explique cette situation d’abord "que certaines personnes assujetties ne remplissent pas leurs déclarations avec suffisamment de soin. Plus étrange, la commission explique aussi qu’elle est "fréquemment confrontée à des dossiers dans lesquels les personnes assujetties disposent de sources de revenus qu’elle ne connaît pas (revenus professionnels ou revenus locatifs, par exemple)". Par ailleurs, les proches des élus en questions, mari, femme, membre de la famille, ne sont pas concernées. ce que la commission regrette.
Une impunité de fait. La sanction qui pèse sur les députés fraudeurs, ceux qui ont sciemment falsifié leurs déclarations, a été décidée lors de la réforme du 14 avril 2011 par… les députés, à l’issue d’une séance électrique. Les élus pris en faute risquent donc désormais deux ans d’inéligibilité et 30.000 euros d’amende. Mais pas de peine de prison, supprimée du projet initial à la demande de Christian Jacob, président du groupe UMP. Et dans les faits, les "personnes assujetties" n’ont pas vraiment de soucis à se faire. Depuis 1988, la Commission pour la transparence financière a transmis à la justice seulement 12 dossiers, dont le dernier en octobre 2009. Et tous ont été classés sans suite. "100 % des saisines du parquet ont donné lieu à de tels classements. S’il est vrai qu’un enrichissement inexpliqué ne constitue pas par lui-même un délit, un tel résultat n’en est pas moins clairement décevant", admet, lucide, la commission.