"J'ai dissous pour l'honneur, pour ne pas être dissous par d'autres ". La phrase est signée Serge Ayoub, le leader du groupuscule d'extrême droite Troisième Voie et de son service d'ordre, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR). Menacé de dissolution par le gouvernement, le mouvement a pris les devants.
D'autres groupes concernés. Le mouvement des Jeunesses nationalistes, une organisation fondée par Alexandre Gabriac et active dans la région lyonnaise, a également annoncé sa dissolution. Un autre mouvement, L'œuvre française, proche des Jeunesses nationalistes, est également visé par une procédure de dissolution, selon le correspondant de France 2 à Lyon.
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Une trentaine de JNR dans la capitale. Présenté comme "le seul groupe skin organisé en France", les JNR ont vu le jour à l'automne 1987, sous l'impulsion de Serge Ayoub. Après avoir disparu de la scène pendant quinze ans, les JNR sont finalement revenues en 2010, toujours sous la houppe de Serge Ayoub. Cette même année, le militant d'extrême droite réactive également le mouvement politique Troisième Voie.
Le slogan du mouvement, "Croire, combattre, obéir", est par ailleurs une reprise du fascisme italien. Et ses militants, généralement des skinheads, crânes rasés, vêtus de noir, se revendiquent de la mouvance néo-nazie. Avec ses 20 à 30 membres, les JNR participent souvent au traditionnel rendez-vous de la droite radicale à Paris, le 9 mai de chaque année.
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Une procédure lancée par le gouvernement. Le gouvernement avait lancé il y a deux semaines les procédures de dissolution de groupes d'extrême droite après le décès du militant anti-fasciste Clément Méric, le 5 juin suite à une rixe à Paris avec des skinheads. Les personnes mises en examen après la mort de cet étudiant de Sciences Politique de 18 ans, dont l'auteur présumé des coups mortels, sont en effet des sympathisants de Troisième Voie. Le gouvernement avait annoncé que les décrets de dissolution devaient être présentés en Conseil des ministres fin juin ou début juillet.
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Couper l'herbe sous le pied du gouvernement. Serge Ayoub, le leader de "Troisième Voie" et des JNR, a dit s'attendre à ce que le texte de dissolution soit présenté mercredi en conseil des ministres. Il a précisé que son groupe s'était auto-dissous il y a plusieurs jours, afin de couper l'herbe sous le pied du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et du ministre de l'Intérieur Manuel Valls.
"Je l'ai dissous pour l'honneur de ne pas se faire dissoudre par d'autres, je ne joue pas le jeu du gouvernement, à attendre à sa merci", a-t-il annoncé lors d'une conférence de presse. "Donc demain, le conseil des ministres, Valls, Ayrault et sa clique n'ont plus aucune raison de nous interdire, de nous dissoudre", a-t-il ajouté. Serge Ayoub a néanmoins précisé qu'il déposerait un recours devant le Conseil d'Etat pour excès de pouvoir.
"Dix jours pour présenter nos arguments". "On nous a notifié la dissolution de Jeunesses nationalistes, on a dix jours pour présenter nos arguments avant la ratification du décret", a précisé pour sa part Alexandre Gabriac. "On attendait cette décision après les déclarations de Manuel Valls, notre avocat est déjà au travail." "C'est un coup de plus qui est porté par le système, nous nous relèverons de ce coup, on va continuer à agir, nous ne faiblirons pas", a-t-il ajouté. Alexandre Gabriac a précisé lors d'une conférence de presse à Lyon qu'il ne pourrait plus diriger le groupe sous peine d'être poursuivi pour reconstitution de ligue dissoute mais qu'il continuerait à s'exprimer en qualité de conseiller régional en Rhône-Alpes. Elu sous l'étiquette Front national, Alexandre Gabriac avait été exclu du parti de Marine Le Pen en 2011.
"Une manoeuvre vaine". Pour le ministre de l'Intérieur, cette décision des JNR et de Troisième voie est "une manoeuvre, dont le seul objet est de contourner la procédure de dissolution administrative en cours, (...) vaine". "Elle ne saurait en effet ni dissimuler, ni mettre un terme à la réalité de l’activité de ces deux entités, l’une et l’autre dédiées à la propagation de l’idéologie d’extrême droite, appelant à la haine et à la discrimination et soutenant la violence", écrit le ministère dans un communiqué.
La place Beauvau annonce par ailleurs avoir entamé mardi "à la demande du Premier ministre, la procédure de dissolution d’une des plus anciennes formations d’extrême-droite, 'l’Œuvre française', ainsi que celle des 'Jeunesses nationalistes', toutes deux prônant une idéologie ouvertement xénophobe et violente".