• La phrase. "Twitter a présenté des arguments hypocrites. Il ne souhaite que protéger l’anonymat de ses utilisateurs dans un but commercial". La pique est signée de Me Stéphane Lilti, l’avocat de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) qui assignait le site de microblogging mardi après la diffusion en octobre dernier de messages antisémites.
>> LE CONTEXTE : Twitter devant le TGI
• Que veut l’UEJF ? L’association, mais aussi SOS Racisme, le Mrap et la Licra, qui se sont portés parties civiles, souhaitent obtenir les données permettant l’identification des auteurs de ces tweets antisémites tagués #Unbonjuif (qui ont été supprimés depuis par Twitter, ndlr). L’UEJF demande également la mise en place d’un formulaire de signalement qui permettrait de repérer plus rapidement ces contenus illicites en France.
• Le problème. Twitter est une société californienne, soumis au droit américain (comme elle l’indique dans ses conditions générales d’utilisation), qui, lui, est beaucoup plus libre en matière de liberté d’expression. "La difficulté dont nous parlons est la conséquence de l’universalité d’Internet. Nous sommes dans une nébuleuse où il n’existe pas d’harmonisation des législations", a fait remarquer l’avocate de Twitter, Me Alexandra Neri. "Est-ce que Twitter doit respecter le droit allemand en Allemagne, malien au Mali, français en France ?", a-t-elle demandé.
>> A LIRE AUSSI - Antisémitisme : que peut faire Twitter ?
• Les propositions de Twitter. Pas question pour Twitter de passer pour une entreprise de mauvaise foi qui s’oppose à la communication de données. Me Neri a donc "proposé deux solutions" au tribunal. Dans sa première hypothèse, l’avocate de Twitter a estimé que l’entreprise californienne n’était pas soumise à la loi Informatique et libertés de 1978, "puisque nous ne sommes pas sur le territoire français et que nous ne collectons ni ne traitons de données en France", comme le prévoit le texte, et ne pouvait donc pas être contrainte par la justice française à transmettre les données. "Pourquoi ne pas demander au tribunal de délivrer une commission rogatoire internationale pour demander à un juge américain la transmission de ces informations ?", a-t-elle demandé. L’autre solution proposée par Me Neri est la validation par un juge américain d’une éventuelle condamnation de Twitter, par un tribunal français, à communiquer les données.
• Une obstruction ? Pour l’UEJF, aucune de ces deux propositions n’est satisfaisante. "Twitter sait très bien que nous n’obtiendrions pas cet ‘exequatur’ aux Etats-Unis", a dénoncé Me Lilti. Selon lui, "Twitter essaie d’importer le premier amendement de la Constitution américaine (qui protège la liberté d’expression, ndlr) en France". "Je veux collaborer mais aidez-moi à me mettre en conformité avec la loi américaine", a plaidé l’avocate de Twitter. Me Neri a assuré que sa position n’était due qu’à une volonté de protection face à de futures éventuelles poursuites d’utilisateurs qui pourraient reprocher à Twitter d’avoir transmis des données les concernant alors que la loi américaine ne les y autorise pas.
• Et la suite ? Le jugement du tribunal a été mis en délibéré. Mais l’UEJF a déjà prévenu que "refuser de donner l’identification d’un contrevenant français à un tribunal est une infraction pénale. Le patron de Twitter France s’expose donc à des poursuites".