Le 1er juin dernier, le directeur de la Fnac de Clermont-Ferrand s’est pendu dans un bois, à quelques kilomètres de la ville. Avant son geste fatal, l’homme, muté il y a deux mois, avait envoyé un long mail à d’autres cadres de l’entreprise, mais aussi à ses supérieurs hiérarchiques, dont Alexandre Bompard, PDG de la société depuis le début de l’année 2011. Dans sa lettre, révélée mercredi par Rue89, qui en diffuse de larges extraites, ce salarié met notamment en cause le management pour expliquer son geste.
"On devient méchant, injuste, paranoïaque"
"On nous demande de mentir régulièrement, de lire des présentations sans âme préparées par des caciques, présentations partagées avec nos équipes avec “conviction” comme on peut l'imaginer d'un travail que vous n'avez pas préparé", écrivait le cadre. "Bien-être au travail… quelle fumisterie ; tout le monde en rigole, flairant l'arnaque, mais la direction fait la sourde oreille : s'il y a des tensions en magasin, c'est parce que votre management n'est pas top niveau. Leur politique par contre, c'est la bonne", fulminait-il.
L’homme évoque aussi la constitution de dossier en vue de licenciement. "Les RH (pas celles des magasins, les pauvres, elles font ce qu'elles peuvent), celles des régions et au-dessus : leur obnubilation consiste à monter des dossiers sur les employés et les cadres. ‘As-tu écrit, as-tu dit… Il faut pas garder untel alors dès que tu peux, tu écris, etc.’", décrivait-il. "On devient méchant, injuste, voyant le mal partout. Paranoïaque. Il faut noter le moindre retard dans une réponse de mail, le moindre débord, tout, tout, tout ce qui pourrait servir à étayer un dossier."
Et de citer un exemple concret, qui l'a touché de près. "Pour ma part, on m'impose une cadre pour arranger la région dans une ‘tournante’ éditoriale et il faut, après avoir constaté qu'elle n'est pas à la hauteur, me dépêcher de tout faire pour la virer. Alors qu'on ne lui a jamais rien dit, la pauvre. Certains ont manqué de courage, moi il me fallait aller au feu", relatait-il dans son courrier.
La direction "cherche à comprendre"
De son côté, un porte-parole de la Fnac a précisé à Europe1.fr que l'entreprise "avait appris la nouvelle avec stupeur et une très grande tristesse "et qu'elle "cherchait à comprendre comment a pu arriver un tel drame", "aucun signal du directeur ou de ses équipes n'ayant été envoyé pour alerter l'entreprise". Le porte-parole a également précisé que "la mutation, qui semble être le noeud de son mal-être, avait été faite à sa demande". Le cadre avait fait une première demande de mutation puis "avait souhaité la reporter d'un an, ce que la Fnac avait accepté". "En février 2011, il avait par écrit réitéré son souhait de partir à Clermont-Ferrand, ce qui a été effectif le 18 avril 2011."
Alexandre Bompard s'est rendu sur place à Clermont-Ferrand dès le lendemain du drame, a précisé le porte-parole à Europe1.fr. Il a rencontré la famille et les proches du cadre puis assisté à ses obsèques la semaine dernière.
De son côté, le procureur de la République de Clermont-Ferrand, Jean-Yves Coquillat, a précisé qu'un "suicide s'explique souvent par un ensemble de choses. En l'occurrence, il s'agit peut-être de raisons professionnelles, mais aussi de la perte d'un ami et de difficultés financières."