Mediapart a rendu public mercredi la décision motivée de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR) dans l'affaire Lagarde/Tapie, un document datant du 4 août. Les attendus de ce texte sont "littéralement accablants", estime le site Internet pour qui il ressort du document que "Christine Lagarde s'est impliquée personnellement et de façon litigieuse dans ce dossier".
Sont notamment soulignés la non prise en compte par la ministre de l'Economie de l'époque d'un courrier de l'Agence des participations de l'Etat, l'exclusion du Crédit lyonnais du processus d'arbitrage et l'implication personnelle de Christine Lagarde qui a, elle-même, donné des instructions de vote.
L'enquête sur Christine Lagarde pour "complicité de détournement de biens publics et de faux" visant un arbitrage en faveur de Bernard Tapie en 2008, en conflit avec l'ancienne banque publique Crédit lyonnais, a été officiellement ouverte mardi. Le parquet a alors signé le "réquisitoire introductif", formalité indispensable pour le lancement concret de cette procédure décidée le 4 août.
"De nombreuses anomalies et irrégularités"
C’est ce premier texte du 4 août que Mediapart a obtenu. Dans les attendus du document, les sept hauts magistrats de la CJR notent que "la condamnation du CDR (le Consortium de Réalisation) au paiement de sommes élevées à la charge des finances publiques comporte de nombreuses anomalies et irrégularités".
Les magistrats s’interrogent notamment sur la non prise en compte des avis et courriers (dont le premier date du 27 févier 2007 ) du directeur général de l’Agence des participations de l’Etat pour qui "le recours à un arbitrage n’apparaissait pas justifié, le CDR étant sorti renforcé de l’arrêt de cassation et disposant de solides moyens de droit devant la cour d’appel de renvoi".
Un arbitrage "à de nombreux égards irréguliers"
La commission des requêtes de la Cour de justice de la République s’inquiète également "d’un arbitrage à de nombreux égards irréguliers", le Crédit lyonnais ayant totalement été "exclu" de la procédure d’arbitrage.
Enfin, l'ex-ministre de l'Economie, aujourd'hui directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), "paraît avoir personnellement concouru aux faits, notamment en donnant des instructions de vote aux représentants de l'Etat dans le conseil d'administration de l'EPFR (Etablissement public de financement et de restructuration), voire au président de cet établissement public en sa qualité de membre du conseil d'administration du CDR", concluent-ils.
Si les faits énoncés dans le texte étaient avérés, ils sont "susceptibles de constituer à charge de Mme Lagarde les délits de complicité de faux par simulation d’acte de complicité de détournement de fonds publics", assènent les sept magistrats dans cette décision du 4 août.
En juillet 2008, un tribunal arbitral - juridiction privée - avait condamné le CDR à verser à Bernard Tapie 285 millions d'euros d'indemnités (400 millions avec les intérêts) afin de régler le litige qui l'opposait à l'ancienne banque publique Crédit lyonnais, au sujet de la vente d'Adidas en 1993.
Les investigations sur ce versement promettent d'être longues et même si Christine Lagarde était renvoyée devant la CJR, un procès n'aurait probablement pas lieu avant plusieurs années.